Hélas, je n'y connais rien
Je tiens donc à dire à ce mossieur : attention! aaattention!!
jamais de la vie
le blog à Depluloin
Ou comment j'ai bien failli sombrer dans la zoophilie
C’était il y a bien longtemps dans les Pyrénées. Nous étions toute une bande de garnements, les autres à peine plus âgés que moi et nettement plus dégourdis puisqu’ils vivaient là. (Et moi, le parisien en vacances, bien que mes grands-parents “soient du pays” depuis la nuit des temps ou presque.)
Ce jour-là donc, nous traînions à l’étable où le fils du fermier avait à faire : une des cinq ou six vaches de l’exploitation (mot aussi incongru qu'inconnu à l'époque dans cette région) avait son veau et il fallait le faire téter mais point trop afin de ne pas vider la mère de son précieux lait. Mais le fiston ou la fifille de la vache en question ne l’entendait pas de cette oreille si je puis dire, et il fallait s’y mettre à plusieurs pour l’arracher à temps aux tétons de sa mère. C’est à cet instant que le fils du fermier laissa entendre que, dans ce état, le veau ou la velle sauterait volontiers sur tout ce qui ressemblerait de près ou de loin à un pie de vache. Et de nous en faire la démonstration sous les rires enchantés de mes camarades qui n’en étaient visiblement pas à leur coup d’essai. Et en effet chacun y alla de sa contribution à la réputation de l’élevage bovin du coin (le très fameux veau de Saint-Gaudens exporté dans l’Europe entière). Pataugeant dans la bouse et l’urine, le plus difficile pour eux semblait de rester debout lorsque le veau, mécontent de devoir attendre sa dose, donnait de violents coups de tête, lesquels auraient bien pu les estropier. De mon côté, je n’en menais pas large, tremblant que mon tour vienne car je n’étais pas prêt, très loin de l'être: cette gueule, cette grosse langue râpeuse, me disaient si peu que je dois avouer que l’érection n’était pas au rendez-vous, mais alors pas du tout.
Heureusement, mon tour ne vint pas. Le bruit des sabots du père eurent vite fait de rappeler les garnements à l’ordre. Aujourd’hui je me console en me disant que toutes les expériences ne sont pas bonnes à vivre et qu’après tout même à la ville où veaux, vaches, cochons, sont rares je ne me débrouille pas si mal avec la population locale ou étrangère. Cela dit sans me vanter bien sûr.
Pourquoi cette histoire? Ah oui : mangez du veau des Pyrénées!
(Cette illustration pour celles ou ceux qui n'auraient jamais eu l'occasion d'apercevoir un veau téter sa mère)
N. B. : Pour être précis : la "velle" est le nom limousin de la génisse.
Les temps s’annonçant difficiles, pour ce qui me concerne en tout cas, j’ai décidé de prendre les mesures qui s’imposent dans ces situations de guerre larvée. Une fois de plus, c’est en triant mes archives que l’idée de me lancer dans le faux autographe m’est venue. (Je possédais déjà par ailleurs, je dois l'avouer, une petite expérience - certes ancienne - dans le mot d'excuse et la signature des carnets de notes. De l'intérêt d'une scolarité suivie.)
Ici, un faux Ionesco, dont j’étais assez fier à l’époque, destiné à tromper un acteur que je désirais absolument convaincre de jouer dans un film qui ne s’est jamais fait. La prudence m’avait commandé de commencer par un simple tapuscrit, plus facile à imiter - à part la signature bien sûr.
Cependant, avant de me mettre tout à fait hors la loi (car il me vient à l’esprit que face au juge je ne pourrais prétendre avoir voulu nourrir ma femme et mes enfants, payer les arriérés de la maison de retraite de ma mère, mais seulement me dorloter moi-même), j’ai décidé de lancer un appel aux nombreux écrivains vivants (évidemment) qui passent par ici : je leur demande instamment de m’écrire quelques lettres, signées surtout, dans lesquelles ils feraient part de quelques-uns de leurs tourments, joies, soucis domestiques. Les détails croustillants étant les bienvenus : vicissitudes, turpitudes, vie sexuelle, déviances diverses, etc. Quitte à inventer bien sûr mais il m’est avis qu’ils n’auront pas à chercher bien loin...
En attendant, mon indispensable Dictionnaire des Trucs de Jean-Louis Chardans (Jean-Jacques Pauvert Éditeur) ouvert à la bonne page, je commence à m’entraîner...
Un autre temps
A ceux qui comme moi ne supportent la campagne plus de vingt-quatre ou quarante-huit heures, ou ne la supportent qu’à la condition express d’y séjourner dans une vaste cuisine face à la cheminée, la cave pour ainsi dire à portée de main, sans oublier bien sûr, toujours à portée de main, quelques jeunes femmes joyeuses et peu farouches, je dédie ce billet...
La campagne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, un désert sinistre où chaque arbre, chaque branche un tant soit peu solide, constituent autant d’occasions de se pendre, cette campagne fut il y a encore peu une joyeuse fourmilière dont on a du mal à imaginer l’activité.
Du temps où je pouvais passer quelques jours de vacances dans le Périgord, il m’arrivait d’aller promener aux forges de Savignac-Lédrier en Dordogne, forges du XVIIIe miraculeusement préservées - et restaurées depuis - puisqu’elles gardèrent une activité, certes réduite, jusque dans les années soixante. Quant à moi, je préférais tenter d’imaginer l’animation qui devait régner dans cet endroit devenu désert : les ouvriers, les ouvrières, les charretiers amenant le charbon de bois, emportant les clous et autres produits finis, les charbonniers qui peuplaient les collines de châtaigners, le bruit des marteaux-pilons, les ordres, les rires... Image d’Epinal sans doute, dissimulant bien des misères sûrement. Mais peut-être pas autant qu’on pourrait le croire.
Lorsqu’elle est quasiment absente, ses trois espèces envolées ailleurs, que j’en suis quasiment certain, je me garde bien de bouger le petit doigt. Car pour rien au monde je ne voudrais qu’elle me surprenne à vivre autrement qu’en sa présence. (Vivre autrement, je me demande bien comment je pourrais m’y prendre.) Je tiens donc à rester le même - ce qui, par ailleurs, ne m’oblige à aucun effort d’imagination ou autres. Le même qu’elle a suivi jusqu’ici sans poser de questions, sans répondre aux miennes. Différent, peut-être qu’elle en oublierait le chemin du retour, volontairement ou non. D’une certaine façon, je vis donc bien plus intensément son absence, ses absences, que sa présence. Lorsque je m’en ouvre à elle, c'est pour l'entendre me dire que le contraire la peinerait, qu’il est juste et bon que je ressente cela, que Larron je suis, Larron je resterai. (Je dois donc m’appeler Larron?)
Un jour, histoire de régler une fois pour toute l’affaire de son petit nom, l’idée m’est venue de procéder à une sorte d’appel comme autrefois à l’école. Pétula X ? ... Paméla Y ? ... Angéla Z ? ... etc. L’idée étant qu’avec un peu de chance elle finisse par répondre présente, et alors je saurai enfin si c’est Gloria, Lara, Fabiola, etc. (Quoique l’essai que j’eus la prudence ou la curiosité d’opérer sur moi auparavant n’eut rien donné: j’eus beau me faire l’appel des après-midi entiers, à aucun moment je ne fus capable de répondre présent à l’énoncé de quelque petit nom que ce soit. Mais peut-être n’ai-je point été baptisé tout simplement?)
Pourtant, je suis presque sûr qu’elle existe.
Deux petits vieux, visiblement désœuvrés, assis sur un banc public au milieu de nulle part dans une ville de province.
DEPLULOIN
Ah les femmes! les femmes!
DE VIEILLECOQUE
Pfoufff!
DEPLULOIN
Comment ça pfouff?
DE VIEILLECOQUE
Pfoufff! ... Pfoufff!!! ... Pfoufff veut dire que j’abonde dans votre sens!
DEPLULOIN
Alors vous le dites mal votre pfouff! Pas assez explicite! ... Ç’eut dû être un pfouff plus las! infiniment plus las! Au besoin vous auriez pu l’accompagner d’un geste qui en aurait dit long! ... C’est tout votre corps qui aurait dû exprimer... vivre... hurler sourdement ce pfouff! Tenez, je vais vous le faire! ... (Depluloin se redresse, et, tel le vieux cabot qu’il est, commence à se trémousser sur le banc, levant puis rabattant un bras, puis l’autre, roulant les yeux vers le ciel, croisant et décroisant les jambes) ... Pfouououfffff !!! .... Pfououououffff! ... Vous voyez?
DE VIEILLECOQUE
Je vois! ... En ce cas, vous devrez vous contenter d’un simple un pouf! ... Pouf!! ... Je ne peux pas faire mieux. Avec mes vertiges, ma canne, mon chapeau, je ne peux me permettre de gesticuler comme vous venez de le faire! ... Donc : Les femmes! pouf! ... Et ensuite?
Depluloin hésite. Son regard erre un instant sur le sol devant lui avant de se tourner de nouveau vers son compagnon.
DEPLULOIN
Et ensuite? ... Pfouff ! Qu’est-ce que j’en sais moi! ... C’est étrange, d’habitude nos petites conversations démarrent d’un meilleur pied!
DE VIEILLECOQUE
D’habitude, vous ne critiquez pas mes pfouff! ... (un temps) ... Je peux vous faire un Bah! si vous voulez? ... Essayons au moins! ... Les femmes, les femmes! Bah!
DEPLULOIN (surpris)
Mais vous avez raison! ... Ah les femmes, les femmes ! Bah! ... En effet, c’est mieux! plus naturel! ... Allons-y! Essayons avec Bah! ... Eh bien, qu’est-ce que vous attendez?
DE VIEILLECOQUE
Que vous commenciez! C’est à vous de commencer!
DEPLULOIN
C’est vrai! ... Bien... Prêt? ... Ah les femmes, les femmes!