REPONSE AU BILLET PRECEDENT
Aujourd'hui : Le vieux con du coin.
De nos jours, les enfants n'aiment pas la campagne, ils s'y ennuient, et pour une fois, une fois seulement, je ne leur jetterai pas la pierre. Les parents, ceux qui n'ont d'autre choix que de les y envoyer tout de même, se surprennent à rêver que leurs rejetons trouveront une autre occupation que de se pendre, fuguer, ou mettre le feu à grand-mère.
Pour la première fois sans doute ils se mettent à prier avec ardeur pour que leurs petits chéris découvrent au plus vite leur sexualité (par un de ces jours de pluie par exemple, fréquents comme par hasard pendant les vacances, durant lesquels ils tournent en rond dans la maison en hurlant qu'ils veulent jouer à quelque chose.) En premier lieu la masturbation bien sûr et avant tout. (Espérant tout de même que les petits chéris trouveront bien un ou une partenaire, ou plusieurs - encore mieux - pour se relayer, un chien, un chat, un veau, une chèvre, n'importe qui, n'importe quoi pourvu que les après-midi qui ne passent pas se passent dans la plus grande quiétude - enfin.
Aujourd'hui disparu ou en voie de disparition, le vieux con du village était le compagnon rêvé pour petits et grands (jusqu'à quatorze ans maximum). Educateur spécialisé avant l'heure, il était la pièce manquante à une éducation parentale par trop étriquée. Toujours de bonnes histoires à raconter sur le village, la vie cachée des humains (le maire, le curé, le pharmacien) et des choses (toutes choses), il savait tenir son auditoire. Les jours de pluie, il recevait sa clientèle dans son appentis où il y avait de quoi s'occuper pour sept ou huit vies.
Mon vieux con à moi (pas si con bien sûr), 95 ans, marié, cent cinquante enfants et petits enfants à travers le monde, on l'appelait affectueusement Tonton Ricardie. Il y avait même une chanson sur lui lorsqu'il passait devant la maison sur sa vieille 125 Peugeot, ses cannes à pêche en bandoulière. "Tonton Ricardie qui passe... "
Il était capable de tout. Par exemple, il avait décidé, avant de m'emmener à la pêche avec lui, de me fabriquer ma propre canne. Cela a prit un mois. Un mois de suspens et de patience, car ça n'avançait pas très vite : il fallait trouver le bambou, assez souple mais résistant, fabriquer le bouchon, monter la ligne, apprendre à attacher un hameçon minuscule...
Et puis la préparation du brandon pour la fête de la Saint-Jean. Ça a l'air simple au cinéma : le type saisit n'importe quel bâton au sol, le passe rapidement dans le feu, et miracle, ça lui fait une torche le temps nécessaire à l'action. Eh bien ça ne marche pas comme ça. Du tout.
Pour en revenir au sujet, ce nouveau petit métier devrait rencontrer un vif succès auprès des parents et des élus locaux, toujours soucieux d'attirer le touriste dans leur trou perdu. Le financement des salaires non plus ne devrait soulever de problèmes : moitié par la Mairie ou le Conseil régional, moitié par les parents. (L'on évitera d'embaucher curés, moines, et chanoines à la retraite, ce pour des raisons purement arbitraires et injuste...)