Que j'aurais dû faire psychanalyste à Hollywood
(Grâce auquel vous en aurez enfin le cœur net : oui, les écossais ne portent pas de slip sous leur kilt.)
Le hasard des promotions, auxquelles il est parfois difficile de résister par les temps qui courent, a fait de moi l’heureux propriétaire de films de qualité variable. Au point que je me considère aujourd’hui, presque malgré moi, comme l’un des meilleurs spécialistes de Mel Gibson. Sans me vanter bien sûr.
Mel Gibson est un acteur. Grâce aux gazettes, on sait qu’il est un fervent catholique, qu’il lui arrive ou qu’il lui arrivait de forcer sur la bouteille, et aussi qu’il a réalisé un film qui a pour sujet la passion du Christ dans lequel, les critiques le lui ont assez reproché, le fils de Dieu se prend une branlée mémorable, digne d’une séance sadomaso qui aurait mal tourné (ou de façon inespérée selon les goûts). N’ayant pas vu le film en question, je ne pouvais que laisser le bénéfice du doute à l’artiste. Mais depuis, après avoir visionné quatre ou cinq de ses films, il n’est plus permis, ce doute.
Ce qui est tout à fait remarquable dans la filmographie de Mel, c’est que rarement je crois un acteur soit allé aussi loin, aussi consciemment, du moins il faut l’espérer pour lui, dans l’exhibition de ses fantasmes. Pour faire court, car je sens que le sujet ne va guère passionner les foules (quoique je crois tout à fait capables certaines cinéphiles - au féminin - de renier secrètement leur bon goût pour les beaux yeux de Mel), je tente un bref résumé clinique à l’aide des quelques scènes qui reviennent régulièrement, de façon obsessionnelle, dans chacun de ses films - du moins dans les quatre ou cinq que j’ai vus :
- Mel Gibson prie souvent, à genoux, mains jointes, doigt repliés serrés très fort avec la force de la ferveur, avec ses enfants, et à voix haute afin que tout le monde en profite. Fort heureusement, je n’ai pas encore vu le film, à venir un jour peut-être, dans lequel Mel récite un chapelet entier.
- Mel Gibson porte volontiers un marcel ou « pompe-sueur » comme on dit chez nous et a du poil sous les bras qu’il aime nous montrer en prenant l’air de rien une position décontractée, après avoir (divinement bien) fait l’amour à sa belle par exemple. Repu, satisfait de sa prestation, il replie alors son bras sur la nuque, et la sus-dite blonde se met derechef à lui causer dans les poils, histoire de montrer comme dans les pubs que le déodorant de Mel est d’une qualité exceptionnelle, lui aussi.
- Dès lors qu’un tragédie lui tombe sur le coin de la gueule et c’est assez fréquent, Mel, comme si son destin tout tracé pourtant le surprenait encore, pousse, soit un hurlement de bête en direction du ciel, soit tente de se retenir de pleurer, l’œil humide pour commencer, suivi d’une grosse larme coincée sur la paupière inférieure (que ça donne même parfois envie de le secouer un brin, Mel, pour la voir enfin rouler sur sa joue cette larme suspendue), avant de céder à la tentation avec cependant toute la retenue qui sied à sa virile condition, tout en tournoyant sur lui-même pour faire passer ce : « C’est pas Dieu possible, c’est pas Dieu possible ! Pas mon fils, par ma fille! Pas mon chien, pas ma femme !» Soit, tout à la fois dans le même temps, ce qui complique considérablement son jeu.
- Mel Gibson a bon appétit, il croque la vie à pleine dent. Quand il dévore une pomme par exemple, il la mastique longuement et avec force toujours, comme on le ferait avec une semelle, le tout avec une satisfaction qui fait plaisir à voir vraiment. Idem pour les viandes, volailles, gibiers en sauce - là encore, Mel déchire les chairs, baise la poule, encule son steak, défonce la dinde aux marrons, que ça en devient excitant -, dont il se bâfre à la main sans oublier, parce qu’il a de l’éducation, de se lécher les doigts. Quel sacré gaillard ce Mel!
- Mel Gibson aime à se faire dérouiller. Rarement on a vu un acteur se faire autant savater la tronche, se prendre des coups dans le ventre, les reins, les côtes, sans qu’aucun de ses organes vitaux ne soit jamais atteint.
- Mel Gibson n’est pas hémophile et c’est heureux. Ça l’autorise à saigner abondamment tout en cicatrisant très vite. Il réchappe de ses combats à mort le visage couvert de sang, ce qui au passage fait magnifiquement ressortir ses yeux bleus/violets. Après un brin de toilette, on s’aperçoit cependant qu’il devait s’agir du sang de ses ennemis (qu’il ne tue pas lorsqu’il se bat à l’arme blanche mais qu’il pénètre itou, fouissant la chair, son regard d’acier révolté planté dans celui de son amour d’ennemi, masculin bien sûr) car du combat il ne reste trace sur son visage qu’une imperceptible cicatrice (une griffure de blonde? une ronce?).
- Si le scénario d’un film ne lui permet pas de jouir sous la torture (comme dans Braveheart), qu’à cela ne tienne, c’est son pire ennemi qui loue les services d’une prostituée pour se faire marteler les parties à coups de pieds et de poings (Payback).
Bref, il y a gros à parier que Mel a été élevé aux films de gladiateurs, films à qui il doit sa culture cinématographique, sa culture tout court, et sa religion, tendance Christ espagnol. Tous ces esclaves fouettés, ces galériens aux torses luisants de sueur, grimaçant sous l’effort et le fouet, ça vous chamboule un petiot.
(Et que celles et ceux qui s’inquiéteraient, à bon droit, pour mes soirées devant le poste, qu’ils se rassurent : dans ce lot en promotion : La grande évasion, Hombre, La valse des pantins, Apocalyspe now (décidément décevant, définitivement), Rain man (tellement habile ma foi) et quelques autres qui valent bien cette messe pour Mel.)