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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 12:07

 

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Devant la télé. (2007)

 

 

         Certains de ses rangements portent plus à conséquence que d’autres. Ses médicaments par exemple qui finissent par s’entasser au fil des mois sur la commode, tandis que d’autres, d’un usage heureusement plus rare, attendent dans le placard de la salle de bains une maladie heureusement plus rare.

         Après les avoir soigneusement triés par maladies, il s’aperçoit qu’il lui reste de quoi en guérir au moins deux ou trois. N’aimant pas gaspiller, il se décide alors pour l’une ou l’autre de ces maladies. Et il tombe vraiment malade. Juste assez pour finir les boites. Mais pas plus.


***

 

         Encore un de ses achats inconsidérés dont il se mord les doigts : il a échangé son vieux poste de télévision contre une sorte d’écran pourvu de multiples haut-parleurs censés répandre le son dans toute la pièce. Et ils le font si bien de répandre le son qu’il n’arrive plus à regarder un film tranquillement. Vingt fois il  doit se lever pour aller voir qui sonne à sa porte à une heure si tardive, pour décrocher son téléphone, vérifier que le robinet de la cuisine est bien fermé, courir à la salle de bains où quelqu’un prend une douche, ou frémit lorsqu’une jeune femme lui susurre des mots tendres à l’oreille, sursaute lorsqu’un hélicoptère le survole d’un peu trop près ou qu’une voiture freine brutalement juste dans son dos.

         Finalement, il n’y a que les films muets qui le laissent en paix. C’est ça le progrès, ironise-t-il. Car il éprouve une profonde aversion pour les films muets.


***


         “Je ne suis pas assez intelligent pour parler des choses simples.” Cette phrase le sidère. Il en reste comme un œuf qui aurait pondu sa poule. Il cherche un sens, ne le trouve pas, pas même à peu près. Mais il lui semble que cette phrase tombée d’il ne sait où en possède un, c’est certain. Il se jure de continuer d’accueillir avec confiance ces traits de génie qui pourraient faire de lui un auteur à part entière.

 

 


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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 10:35

Etat neuf

 

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       J'ai un faible pour ces chromolithographies du XIXème, que l'on trouvait souvent en double page de L'Illustration par exemple. Celle ci-dessus est intitulée "Idylle à Montmatre". Le titre m'a laissé songeur. A première vue en effet, l'on se demande où diable se cache cette idylle. J'ai imaginé deux possibilités :

       Dans la première, la marâtre (à gauche) est en train de vanter la marchandise au savetier voisin, lequel, même s'il ne semble pas tout à fait décidé, ne paraît pourtant pas mécontent de l'affaire et considère sa promise avec l'œil averti du maquignon. De son côté, la jeune fille joue son rôle à merveille : sage, réservée, elle reste toute absorbée dans sa tâche. N'oubliant cependant pas, l'heure est grave, de mettre en valeur sa taille de guêpe et sa croupe callipyge.

       Deuxième possibilité : La marâtre discute avec son mari du meilleur prix (parti) qu'ils pourraient tirer de leur fille.

       Dans les deux cas, le charme de cette composition vient essentiellement, à mon avis, de l'absence de cette horrible Basilique meringuée dont la première pierre ne devait pas encore avoir été posée.

 

 

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       Sur celle-ci, outre une magnifique galerie d'enfants difformes, la présence du Carrousel du Louvre, si haut perché, semble étrange. A moins que le peintre n'ait pris la liberté d'agrémenter celui de la place de L'Etoile de quelques compositions équestres...

 


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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 16:27

mardi 20 avril 2010


      Poursuivant sans relâche la fouille de mes cartons de livres - on n'a jamais guère trouvé mieux que le carton depuis l'invention de la bibliothèque, avec cependant ce petit "plus" qui vous donne l'impression d'ouvrir votre cadeau de Noël - je suis tombé sur mon Manuel de gymnastique et d'exercices militaires (Paris. Imprimerie Nationale. 1880)

 

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      Jugez-en par vous-mêmes et imaginez à quel point nous en avons bavé nous autres dans les commandos.

 

***

      En relisant quelques passages du Désespéré de Léon Bloy, cette idée, sans doute excessive, que décidément Céline ne lui arrivait pas à la cheville.

 

***

      Et je ne résiste pas, je ne résisterai jamais, à citer l'incipit de Entre Fantoine et Agapa de Robert Pinget, qui n'est cependant pas celui que je préfère :

      "Le curé de Fantoine est un amateur. Il n'a pas la bosse de Dieu. Il s'ennuie. Il est abonné à des revues de théâtre. Il lisote les auteurs à la mode. Il grapille dans les vignes savantes. Il passe pour un érudit mais il est un faquin."


***

      Les choses étant ce qu'elles sont, l'idée de "couple" m'a traversé l'esprit. Question de saison peut-être. D'un naturel prudent et réservé, il n'est cependant nullement question que je me mette en chasse ni que j'aille me ruiner en petites annonces. J'ai donc eu l'idée de confectionner ce petit piège :

 

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       Piège n'est pas le mot - malgré les quelques sucreries et verroteries laissées bien en évidence. Je préfère parler d'une délicate invitation ou d'une aimable suggestion. Ce cadre vide, orné d'une si belle rose (en plastique), ne peut laisser indifférent une jeune personne sensible, riche, et bien faite. L'inconscient de la demoiselle ne peut qu'être violemment interpellé. Me semble-t-il.

 

 

 

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 17:43

Fin

 

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"L'emmuré" (Autoportrait)

 


         Par la suite, j’accomplis encore bien d’autres exploits qu’il m’est impossible de rapporter ici. Tous les livres de la Terre ne suffiraient pas à les contenir tant ils furent riches en péripéties, anecdotes, découvertes tant scientifiques qu’archéologiques de toutes sortes, ainsi qu’un nombre infini de poèmes en vers ou en prose, mythes et légendes inédits, concepts bouleversants et très hautes pensées qu’ils ne manquèrent pas de m’inspirer.

         C’est ainsi que je passai trois semaines au fond d’un lac alpin. Trois semaines seulement car l’expérience tourna court après qu’un pécheur maladroit eut réussi à me mettre le grappin dessus. Je fus sa plus grosse pièce, me jura-t-il tout en me répétant que j’étais sauvé. Je lui laissai croire, ça ne se discutait plus ce genre d’âneries. De cet escapade sans lendemain, je conservai un assez mauvais souvenir, l’eau étant plutôt fraîche et les poissons peu causants. Sans compter que mon pêcheur d’hommes, sous prétexte qu’il avait pris des cours de secourisme, m’obligea à respirer artificiellement son haleine. Croyant à une coutume locale, n’en étant plus à une confusion près, je l’embrassai à mon tour longuement sur la bouche, ce qui ne fut pas de son goût, ni du mien d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, m’imaginant sans doute de mauvaises mœurs, il décida de me remettre à l’eau, oubliant au passage de me retirer son hameçon que je conserve encore aujourd’hui, joliment accroché à ma lèvre supérieure, telle une écharde dans ma chair. Outre un petit air canaille, cela me fait comme un souvenir, un souvenir douloureux, les seuls que je retienne vraiment.

         J’eus plus de chance avec ma traversée de l’Atlantique dont je reste aujourd’hui encore assez fier. Ma femme ayant gagné une croisière aux Caraïbes lors d’un concours de mal-marchants ou de mauvaises marcheuses, je ne sais plus comment on dit, j’avais consenti à l’accompagner, ou plutôt à l’y pousser, car il lui fallait bien une âme charitable pour s’occuper de la faire avancer. Les premiers jours furent plutôt agréables, mais très vite, suite à une panne de frein - ce genre de panne vous arrive toujours en voyage - , ma moitié perdit presque complètement le contrôle de son véhicule. Bien vite, je ne supportai plus de la voir aller et venir en roue libre au gré de la houle, pirouetter comme une toupie au moindre roulis, ou quitter brusquement la table en plein repas pour aller s’abîmer chez les voisins. J’avais beau tenter de la caler, de l’arrimer, de lui glisser un maximum de bâtons dans les roues, elle trouvait toujours le moyen de se distinguer par quelque spectaculaire acrobatie qui avait néanmoins le don de distraire les passagers. Lorsque je la suppliais de mettre fin à ce supplice, le mien, elle se contentait de hausser les épaules, prétendant qu’elle n’avait pas toute la vie devant elle pour jouir du spectacle de ces îles enchanteresses que l’on peut pourtant admirer presque tous les jours à la télévision. Face à cet entêtement, ce fut moi qui, lesté d’une bon quintal de chaînes enroulées autour de la taille, du maillon de 38 c’est pour dire, me résolut un beau soir à me jeter par-dessus bord. Ne me demandez pas le pourquoi du comment, il y a belle lurette que je ne m’intéresse plus aux phénomènes dont je suis le théâtre, mais je me mis aussitôt à flotter comme un bouchon. Après avoir tranquillement vogué autour de quelques îlots, je me sentis soudain emporté par un courant - le Gulf Stream, je me suis renseigné depuis - qui m’emmena lentement mais sûrement vers les côtes de la Gironde que j’abordai quelques mois plus tard, ne gardant d’autre séquelle de cette traversée qu’un corps copieusement salé, telle une morue ou un jambon - à la réflexion, morue convient peut-être mieux - , qui, de ce fait, et si j’en crois mon poissonnier, devait en principe me conserver de longues années encore. La guigne quoi.

         Ma dernière expédition, celle dont j’estimai après coup qu’il eut été préférable de m’en dispenser, m’amena à quelques encablures du centre de la Terre. Cette fois, c’est en observant le creusement d’un parking - car j’ai une passion pour les travaux publics et la contemplation des chantiers fait partie de mes loisirs favoris - , que j’eus l’idée de poursuivre plus avant. Ainsi, muni d’une simple pelle et de quelques chewing-gums en guise de coupe-faim, je m’enfonçai avec enthousiasme dans les entrailles de la terre. Ce fut rapidement très salissant, boueux, et parfois même dangereux. Mais enfin, malgré de très fastidieux travaux de terrassements, car je passais le plus clair de mon temps à pelleter, je connus quelques moments tout à fait exaltants, traversant des paysages absolument féeriques que je ne pouvais malheureusement admirer vu le manque d’éclairage. C’est ainsi qu’après m’être faufilé bravement entre différentes couches sédimentaires, je tombai dans des gouffres immenses, sortes d’abysses où mes hurlements de terreur raisonnaient magnifiquement, que je pus m’ébattre dans l’eau pure des nappes phréatiques, que je traversai certains gisements qui auraient pu faire ma fortune, que je jouai à trembler sur des plaques tectoniques toute occupées à se battre entre elles, que je me grillai le poil à frôler des coulées de lave dont la chaleur me transformait pour de longs mois en terre cuite, sorte de potiche perdue dans les entrailles de la Terre. Lorsque ma pelle commença à donner quelques signes de faiblesse, branlant notamment du manche, je compris qu’il était temps de rentrer. M’étant légèrement trompé dans mes calculs, je débouchai sur un terrain de foot-ball, quelque part en Alabama, en plein match qui plus est, et me fis donc copieusement piétiner le crâne avant que l’on songea à me hisser hors de ma taupinière. Croyant à une évasion, un policier me tira dessus, sans m’atteindre heureusement car plus rien ne pouvait m’atteindre désormais. Un autre, plus clément, ne fit que m’assommer. C’est ainsi que je débouchai : dans un triste état à tous points de vue : je n’étais plus qu’un tas de boue incrusté de toutes sortes de pierreries, sans autre valeur hélas que celle du souvenir. Tel Adam, il ne manquait plus que le souffle de Dieu sur ma glaise et je serais devenu un homme. Comme quoi il en faut peu. Mais Dieu étant absent, cela prit un certain temps avant de m’y remettre au monde. Il fallut tout d’abord me démouler. On manda des spécialistes, des potiers principalement. Il en existe peu en Alabama, c’est bon à savoir. Pendant de longs mois, je dus porter des lunettes de soleil. Avec mon hameçon à la lèvre et mon trousseau de clefs à l’oreille, je faisais un peu vedette, me disait-on mais on m’a dit tant de choses. Certains vers dont c’est la nourriture de base s’étant mépris sur ce corps souterrain, l’on dut m’opérer d’urgence de certaines trouées dans ma carcasse. Après cela, et contre l’avis de certaines ligues qui estimaient que ces bestioles, soi-disant en voie de disparition, avaient trouvé chez moi un habitat naturel et qu’il était inhumain de vouloir les en déloger, l’on décida de me traiter des pieds à la tête comme un vulgaire pommier. L’on me sulfata donc, l’on me vermifugea, l’on me badigeonna à la chaux, l’on ceci, l’on cela, jusqu’à ce que je porte mes fruits. Et je me sentis tout de suite mieux en effet, quoiqu’encore un peu véreux par certains endroits. 

         Cette dernière percée par-delà la croûte terrestre, pour passionnante qu’elle ait été, me donna tout de même réfléchir quant à l’intérêt de ce genre d’expéditions.  De fait, le cœur n’y était plus : pourquoi le cacher, j’avais touché là aux limites de mon inhumanité. Le cœur n’y étant plus, le reste de mes organes suivit. J’étais fatigué. Ça, c’est humain j’imagine. On notera au passage que je savais mieux distinguer après tout cela ce qui est de tel ou tel ordre dans ce domaine de l’humain ou de l’inhumain. Une belle avancée dont je n’étais pas peu fier. Pourtant je ne crois pas avoir fait encore clairement mon choix. C’est sans doute là mon destin : En suis-je ou non, de votre espèce, la question je le sens ne cessera de me tourmenter jusqu’à mes derniers jours. 

         En attendant, il fallait bien m’occuper un peu. Je décidai donc de vieillir auprès de ma femme qui n’en finissait pas de s’éteindre au coin de la cheminée qu’elle ne quittait plus guère, manière de retarder le refroidissement j’imagine. Pour la réchauffer, je lui avais acheté une fort belle bûche en plastique qui rougeoyait chaleureusement dans l’âtre à condition toutefois de la brancher. Ses jambes ne répondant plus depuis longtemps, elle n’y voyait que du feu, c’était le principal. Pauvre femme, la mort lui grimpait après comme une sale bête, laquelle en était arrivée non loin du cœur après un petit détour par les poumons, avec des visés certaines sur le cerveau, pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. Ma bien-aimée (de préférence à “pauvre femme” que je regrette déjà, autre preuve de ma toute nouvelle semi-humanité) ne devait pas se faire trop d’illusions, rapport à tous ces appareils qu’on lui branchait, des nouveaux tous les jours, en location heureusement, tels que pompes, stimulateurs, intubateurs, sondeurs, inhalateurs, palpeurs en tous genres, indicateurs de vie ou de mort, quantité d’alarmes également comme si quelqu’un allait me la piquer ma pauvre moitié. Ça finissait par consommer tout ça, sans parler de ces bombonnes d’oxygène si proches de mon feu en plastique. J’avais acheté un extincteur au cas où mais tout de même.

         Quant à moi, impuissant comme jamais, je ne pouvais rien faire d’autre que de suivre la mort des yeux. Chaque soir, à l’aide d’un feutre noir, je marquais d’un trait discret où elle en était arrivée. Je trichais un peu bien sûr, pas question d’inquiéter la malade, même si vers la fin elle ressemblait un peu à un code-barres. Et bien que n’y connaissant rien en matière d’étiquetage, elle ne devait plus valoir très cher, ma moitié, n’importe quel commerçant me l’aurait dit. Enfin, les journées passaient ainsi au rythme de la vie et de la mort, au gré du retrait de l’une et des avancées de l’autre. De temps à autre, histoire de mettre un peu d’animation, je faisais mine d’attiser le feu, soufflant avec application sur la petite ampoule rouge. Les enfants étant partis depuis longtemps, la maison restait étrangement silencieuse, bercée seulement par tous les mécanismes de ma femme qui ne m’adressait plus guère la parole depuis cette fameuse croisière où je lui avais faussé compagnie, un peu cavalièrement je l’admets. Pour de la distraire, je lui racontais certaines de mes expéditions. J’en inventais d’autres, je ne fus jamais à court. De toute façon, elle faisait peu de commentaires, sa maladie lui ayant atteint les cordes vocales juste à temps pour les éviter. La moelle épinière niquée, c’est à peine si elle pouvait encore opiner ou dodeliner. J’en tenais compte et n’en profitais à aucun moment. Malgré tout, au prix de longues heures d’efforts, elle parvenait à griffonner quelques mots sur une ardoise, toujours les mêmes. Cela disait quelque chose comme “Débranche-moi crétin”, le tout sans fautes d’orthographe ce qui prouve qu’elle avait encore tout ou une partie de sa tête. Pour toute réponse, je me contentais de lui sourire gentiment, en prenant l’air tout à la fois navré et impuissant de celui qui n’avait pas bien réussi à déchiffrer. Que faire d’autre. Comment pouvais-je décemment lui avouer que depuis ma toute nouvelle humanité j’étais très fermement opposé au suicide qui n’est qu’une lâcheté réservée aux faibles qui n’osent affronter notre beau destin à nous. Pour effacer le regard furieux dont elle me foudroyait alors, j’élargissais un peu plus mon sourire, élargissement auquel je m’entraînais régulièrement le soir devant la glace du lavabo, avant de me pencher pour l’embrasser tendrement sur l’infime partie de son front encore en vie, tout en prenant garde de ne pas m’appuyer à son fauteuil au contact duquel j’aurais très bien pu m’électrocuter avec tous ces appareils. La pauvre, elle ne dut sa délivrance qu’à un violent orage qui plongea le quartier dans l’obscurité durant deux bonnes heures. Bonnes pour moi, pour elle je ne sais pas. Car je ne pus malheureusement pas l’assister dans ses derniers instants, j’étais sur mon toit et j’y suis toujours.

         Maintenant je suis sur mon toit, assis sur ma chaise, et je n’en descendrai plus, ni de ma chaise, ni de mon toit. Excellent meuble la chaise, il y a des achats comme ça qu’on ne regrette pas. Maintenant, je suis vieux. Mon corps, usé par toutes ces pérégrinations, m’a demandé un peu de ce repos éternel auquel il a droit et que je compte bien lui accorder. Maintenant, c’en est fini des affres, ras le bol. Je ne suis pas triste, c’est au-delà. Je n’ai pas de haine, c’est bien au-delà. Si loin au-delà de l’au-delà que cela n’a plus d’importance. Pour preuve, j’ai fait taire mes fureurs et mis fin à mes journées à thèmes. Quant à l’amour sur lequel on m’interroge parfois, ma réponse ne varie pas : je n’en ai pas. Maintenant, ma folie est au point. La mort peut venir s’y frotter, elle n’y trouvera rien, ce qui s’appelle rien, sauf, peut-être, un vieux fond d’idiotie sur lequel je me suis appuyé autrefois parce qu’il fallait bien s’appuyer sur quelque chose. Pourquoi le nier, je ne suis pas mécontent de ce vilain tour que je lui ai joué. Elle peut venir, elle va venir, elle trouvera plus forte qu’elle car il n’y a plus grand chose à tuer chez un fou. Non qu’il soit déjà mort ou indifférent, je pense que c’est même le contraire, mais il est comme une pièce vide où les voleurs n’ont plus rien d’autre à voler que les murs et le plafond.

         Maintenant, c’est moi qui décide s’il fait jour ou s’il fait nuit. Et le plus souvent, j’opte pour la nuit qui évite cette peine d’avoir à fermer les yeux.

         Maintenant, moi aussi, assis sur ma chaise, je montre les étoiles à un enfant qui n’existe pas.

 


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16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 18:05

vendredi 16 avril 2010

 

10h30 : Rédigé ce post-it : "Cette fois, ne pas oublier de faire tremper le pois-chiche!" (au lieu de "les pois-chiches" mais peu importe, ce soir j'oublierai encore.)

14h30 : Envoyé à Sa Sainteté Benoît XVI - et beaucoup de poussières - par colissimo recommandé l'ouvrage suivant :

 

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       Je pense avoir fait là une bonne action. Ce livre est remarquable en tous points et mériterait d'être cité en entier :

"... 2.  Il y a un temps pour se taire, comme il y a un temps pour parler. C'est à ce Principe que je renvoye les personnes qui péchent par le défaut de parler trop en matière de Religion. Un fameux Sage leur eût ajoûté autrefois ce qu'il dit à un jeune homme de leur humeur. Souvenez-vous que la nature vous a donné deux oreilles, & qu'elle ne vous a donné qu'une langue, pour vous apprendre qu'il faut vous taire, & écouter deux fois autant de temps que vous en emploirez à parler."

Plus loin :

" ... suivant le premier principe, que l'on doit se taire, si l'on n'a rien à dire qui vaille mieux que le silence. ..."  (Wildenstein, nous voilà!)


17h48 : Retrouvé cette maquette de l'affiche de mon exposition. Affiche qui n'a pas été retenue pour cause d'incitation au tabagisme. Dommage, car ce cendrier rose me plaisait, et la photo elle-même est infiniment plus belle que ce que l'on peut voir sur cette photocopie. Sans vouloir me vanter bien sûr...

 

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 12:12

A saisir!

 

DEUX SUPERBES ESTAMPES JAPONAISES

(très peu servies)

 

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      Malgré certains a priori qui ont la vie dure, le "coup" de l'estampe japonaise fonctionne toujours à merveille. Certes, on pourrait croire la méthode fort démodée, voire d'un autre siècle. Il n'en est rien, je puis l'affirmer ici, surtout en ce qui concernent les deux miennes (ci-dessus), lesquelles,  pour une somme fort modique,  m'ont permis de passer quelques agréables soirées et des nuits non moins délicieuses. 

      Le secret de cette insolente réussite est simple : la "proie" est à ce point  surprise, puis attendrie, par la naïveté mais aussi la beauté des motifs qu'elle perçoit, qu'au lieu du prédateur auquel elle s'attendait, elle voit au contraire en lui un être doux et sensible, cas rare ou peu répandu, si l'on en croit la presse féminine, sur lequel la belle ne manquera pas de se jeter.

        Notez, pour celles que cet achat intéresserait, que la ruse fonctionne tout aussi bien dans l'autre sens. Quel homme en effet, après avoir rêvé vicieusement tout en essayant de ne pas succomber dans l'escalier, ne tomberait pas sous le charme d'une telle innocence. Sauf à avoir affaire à un être vil et obtus, il est certain que le galant sera au contraire vivement rassuré de n'être point tombé sur une "Marie-couche-toi-là" et qu'il sera dès lors tout disposé à faire ce que femme veut.

      Bref, satisfait(e) ou remboursé(e)! Peux pas mieux dire!

 

 

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14 avril 2010 3 14 /04 /avril /2010 17:45

Suite...

 

       Résumé des dix ou quinze chapitres précédents : Après un long vol plâné de quelques mois, notre héros revient enfin sur terre. Le présent texte constitue l'avant-dernier chapitre de l'ensemble. (Je sais, ça fait long...)

 

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          Comme il fallait s’y attendre, j’ai complètement raté mon atterrissage. Pardonnez-moi l’expression mais je suis tombé sur le cul. La faute à mes ailes de géants qui n’ont guère laissé le loisir à mes jambes de se muscler convenablement ces derniers temps. Je me relevai prestement en prenant l’air contrarié de celui qui vient de glisser sur quelque chose, quelque chose de glissant forcément. Un brave type me demanda tout de même si ça allait. Un autre si je n’avais pas une petite pièce. Je les remis tous deux sèchement à leurs places où fort heureusement ils étaient déjà, car, autant mettre tout de suite les choses au point avec le voisinage, je n’avais plus l’intention de me laisser marcher sur les pieds. Qu’on se le dise, j’allais rétorquer et pas qu’un peu. C’est à ces petits détails, presque insignifiants, que je pus me rendre compte à quel point cette chute m’avait mûri tout en m’apportant une certaine virilité, celle qu’acquièrent de gré ou de force tous les bourlingueurs de mon espèce. J’étais devenu un homme, c’était bien la peine d’avoir fait tout ce chemin.

         Le code de mon immeuble ayant changé, je rencontrai  par contre quelque difficulté à entrer chez moi. Pour ne rien arranger, mon nom aussi n’était plus le même, je m’appelais maintenant Lepoutre ou Dufoutre, je lisais mal d’un œil. Plus tard je réalisai qu’il s’agissait de celui de ma femme, son nom de jeune fille qu’elle avait repris, sans doute pour se rajeunir un peu. (Encore un avantage des femmes : avoir un nom de jeune fille, ce dont j’ai toujours rêvé.) Qu’est-ce que c’est encore que ces conneries putain, suffit que j’ai le dos tourné bordel, marmonnai-je grossièrement car j’étais bien décidé à profiter pleinement de cette toute récente virilité de bourlingueur buriné, certain que j’allais la perdre sous peu. Une voisine finit tout de même par m’ouvrir après que je l’eusse traitée de tous les noms dont le sien. Un coup de chance qui la déstabilisa aussitôt. Voilà un premier travail en perspective : réapprendre tous les noms, à commencer par les propres. 

         A la maison, rien n’avait changé à part quelques détails : le papier peint du salon, l’ambiance, l’atmosphère aussi peut-être, le poste de télévision qui me parut nettement plus imposant que le précédent, et une nouvelle machine à laver le linge avec séchoir intégré, parait-il très pratique. L’air de rien, celui qui me réussit si bien, j’embrassai ma femme et mes enfants, lesquels étaient loin d’être au complet, détail qui m’aurait probablement échappé si ma femme - je l’appelais “femme” car j’avais déjà oublié son nom, Lepoutre ou Dufoutre -, ne me l’avait fait remarqué. L’aîné s’était marié, le puîné était parti étudier au Etats-Unis où, à la veille de passer brillamment son concours de je ne sais quoi, il s’était cependant suicidé. Brave gars, j’ai toujours su qu’il allait réussir celui-là, je compte même en faire ma fierté et celle de la famille. Quant au petit dernier, il s’était pris d’affection pour un vieillard, un antiquaire, un homme fort cultivé, chez qui il vivait tout en préparant son certificat d’études, et qui le gâtait paraît-il beaucoup, notamment avec la bouche et tout ce qui lui tombait sous la main. Les autres avaient grandi et je les en félicitai avec bonhomie. Il n’y avait pourtant pas de quoi, grandir à leur âge ne constituant tout de même pas un exploit. En revanche, ma petite fille, l’unique, celle dont j’étais si fier autrefois, avait considérablement grossi, son visage défiguré par d’énormes boutons. Comme je lui en faisais aussitôt la remarque en lui demandant si elle s’était déjà regardée dans une glace, elle courut s’enfermer dans sa chambre en claquant violemment la porte. Quant à mon épouse, la fameuse Lepoutre ou Dufoutre, elle n’avait guère changé, elle, sauf physiquement: elle marchait maintenant dans un fauteuil. Cela me fit un choc moi qui l’avais toujours connue sur des béquilles, accessoires qui lui donnaient l’air autrement plus flatteur d’une sportive qui se serait abîmée ou tordue à l’occasion d’une chute. C’était d’ailleurs la version officielle lorsque je devais la présenter à des étrangers. Les accidents variaient au gré des saisons et de mon imagination : tantôt le vélo, le ski, le cheval, la lutte gréco-romaine, le catch à quatre, la pétanque, la course en sac, les occasions ne manquaient pas. Curieusement personne ne s’étonna jamais qu’une sportive aussi accomplie mais néanmoins maladroite persistât à se briser les os avec autant d’acharnement. Mais là, franchement, le fauteuil ça la fichait plutôt mal. Toutefois, manière d’engager agréablement la conversation, je lui dis que je regrettais sincèrement que la médecine n’ait rien pu faire pour elle, ce dont elle convint aisément. Je m’apprêtai à lui demander quand est-ce qu’elle pensait mourir, même approximativement, mais finalement je m'abstins, préférant aborder le sujet plus tard et de façon plus anodine. On se disputa tout de même un peu sur le fait que j’étais encore monté sur ce toit, incorrigible que j’étais, même qu’un jour ça me jouera des tours cette manie de m’envoyer en l’air. Elle conclut, à juste titre, que ça n’était pas un exemple pour les enfants et je fis mine d’en convenir tout en promettant de ne plus recommencer. Je n’en pensais pas un mot bien sûr mais il fallait bien en finir avec ce genre de petites chamailleries qui mettent toujours une mauvaise ambiance au sein des couples les plus unis. Une fois calmée, elle me présenta un nombre impressionnant de factures à régler. En attendant le dîner, je fis donc un certain nombre de chèques, activité qui me réussit en général assez bien pourvu qu’on me dise le jour et la date qu’on est. Le lieu aussi.

         Un peu plus tard à table, j’observai les quelques enfants qui me restaient, tous sauf la boutonneuse qui m’aurait coupé l’appétit à triturer ses boutons tout en mastiquant. Le nez dans mon assiette, pas exactement dans mon assiette, disons à une certaine distance, je me demandai vers lequel d’entre eux je pourrais reporter mon affection, moi qui en avais tant à donner après ces longues années de errance. Le dessert, dont je fus privé puisque pas prévu, arriva sans que je parvinsse à me décider. Le cœur n’y était plus. Ma femme sur roulettes, ma grosse fille purulente, l’autre, machin là, qui me réclamait déjà son argent de poche, aucuns ne m’inspiraient vraiment. Kiki, mon chien, étant décédé de tristesse, les chiens s’y entendent eux au moins en chagrin, il ne me restait guère que la télévision pour l’affection. Gros bloc noir et éteint, tout plein de silence et de fausses lumières. La machine à laver aussi peut-être. C’est vivant par contre une machine à laver : ça tourne, ça vibre, ça ronronne, un peu comme une grand-mère. Affaire conclue : pour l’affection, ce serait la machine à laver et personne d’autre.

         Après le dîner, histoire de me faire pardonner une si longue absence, j’offris de faire la vaisselle, offre sèchement repoussée, la machine, encore une autre, s’en chargeant sûrement mieux que moi. Malgré ma répulsion, je proposai alors à ma fille d’aller lui raconter une histoire avant de dormir mais elle refusa tout net, arguant qu’elle était une grande fille maintenant. Je la repris gentiment en lui faisant remarquer qu’elle avait sans doute voulu dire grosse. Elle me regarda curieusement, tous furoncles dehors, avant d’aller s’enfermer une fois de plus dans sa chambre, à croire qu’elle ne savait faire que ça. Boudeuse, sale caractère comme sa mère. Connasse tiens. Histoire de me donner une contenance, j’allai écouter mon répondeur qui ne m’apprit pas que de bonnes nouvelles : j’avais été viré de mon travail pour cause d’absences répétées, le plombier jurait qu’il allait passer la semaine suivante. C’était tout. Quand ma femme eut fini de ranger sa cuisine - je remarquai qu’elle allait plus vite en besogne depuis qu’elle était motorisée, à tout malheur toute chose est bonne ou un truc de ce genre - , je pensai la rappeler à son devoir conjugal mais j’y renonçai finalement, craignant de commettre quelque impair durant l’acte en rapport avec son nouvel handicap. En effet, la désarticulation de ses jambes en vue de l’intromission n’étant déjà pas chose si aisée autrefois, je n’osai me risquer de nouveau, ni la risquer elle-même, la fécondation et la mise bas de nos nombreux enfants lui ayant déjà causé quelques remarquables soucis avec sa moelle épinière. Intuition féminine ou quoi, ce fut elle qui prit les devants en me disant bonsoir je suis fatiguée. Je restai seul, une fois de plus. Un instant, je songeai à remonter sur mon toit. Peut-être un peu tôt. Sans compter que, fort de cette première expérience, j’étais bien décidé à ne plus me lancer dans pareille aventure sans une sérieuse préparation et tout le matériel nécessaire dont je dressai déjà mentalement la liste : clopes en quantité, aspirine, thermomètre, briquet, biscuits pour la route, une tente deux places en cas de rencontre avec un Vendredi, duvet, parapluie, bougies, une ou deux bouteilles de cognac, quelques slips de rechange, capotes anglaises en cas de rapports sexuels avec l’éventuel Vendredi, un pistolet de gros calibre, quelques pièges à étourneaux, des feux de position pour les croisements difficiles, et nombre de fusées de détresse, de grande détresse même si le modèle existe. 

         En attendant, épuisé par cette dure journée, je décidai d’aller me coucher. En bon père, bon mari aussi à l’occasion, je pris soin de ne pas allumer les lumières afin de ne déranger personne. Une fois au lit, j’allai pour m’endormir lorsque, peu habitué ces derniers temps à une présence féminine même défectueuse à mes côtés, je me ravisai et commençai à pratiquer quelques affectueuses caresses sur le dos de ma femme puis quelque part dans l’une de ses nombreuses intimités, froides et inertes certes, mais intimités tout de même. Pourtant elle se mit presque aussitôt à gémir dans son sommeil. Pas si handicapée que ça, me dis-je, n’aurait-elle pas arrangé toute cette mise en scène de fauteuil dans le seul but de m’apitoyer ou de se faire plaindre ? Quoi qu’il en soit, agacé par les souples ondulations de sa croupe, souplesse assez inattendue chez une paralytique, cela eut dû me mettre la puce à l’oreille, je la pénétrai d’abord doucement, presque amoureusement si le mot ne gêne pas trop le lecteur, puis beaucoup plus furieusement, au point que je finis par réveiller ma fille, la boutonneuse. Car c’était bien ma fille, cette vicieuse qui gémissait dans son sommeil ou faisait mine. Dans l’obscurité, quelque peu oublieux de la topographie des lieux, égaré aussi peut-être par le nouveau papier peint dont la flore résolument exotique ne me rappelait rien, je m’étais trompé de chambre. Devant l’horreur conjuguée de la situation et du visage de ma grosse fille, tout illuminé d’acné et de vice, je poussai un hurlement. Elle aussi, mais pas tout à fait sur le même ton. Vas-y papa... encore... encore ! ... encore ! ... encore putain merde quoi ! me feulait-elle à l’oreille, celle avec mon trousseau de clefs - mais visiblement plus rien n’était à même de l’étonner -, tout en s’agrippant désespérément à mes omoplates. Ces “encore”, moult fois éructés, ponctués comme plus haut, me surprirent, me faisant presque douter, car à ma connaissance c’était la première fois que je commettais l’acte de chair avec elle. Mais tout de même, il ne m’avait pas échappé qu’elle m’avait appelé “papa” pour la toute première fois depuis ma réapparition, peut-être même depuis sa venue au monde, et cela me fit plaisir, estimant même que c’était là un bon début en vue de son réapprivoisement. D’autant plus que je savais maintenant, bien qu’ils fussent mâles, comment m’y prendre avec mes garçons. Sur ce, alertée par tout ce remue-ménage, ma femme déboula à son tour dans la chambre en grinçant. Ça fit toute une histoire cette affaire d’inceste involontaire. Dufoutre ou Lepoutre en profita aussitôt pour me culpabiliser et y parvint sans mal. Pendant des semaines, je dus dormir sur le canapé du salon. Heureusement, il me restait ma bonne grand-mère, celle avec le séchoir intégré, avec qui je causais un peu le soir tandis qu’elle battait le linge.

         Bref, ma vie, ma vie terrestre s’entend, suivait son cours. Mauvaise nouvelle. Qu’importe, me disais-je le soir sur mon canapé, un jour je sentirai de nouveau l’appel du large, cet appel contre lequel nul ne peut rien, qui jette les routiers sur les routes, les marins à la mer et les aviateurs par terre. Qu’importe, j’ai encore un toit au-dessus de la tête, j’ai encore ce genre de projets.

         Qu’importe. Demain est une longue journée qui s’achève.

 

 

(à suivre...)

 


 

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13 avril 2010 2 13 /04 /avril /2010 18:25

Mardi 13 avril 2010

 

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       Mauvaise journée. Qui a commencé par la récolte de mes champignons de Paris. Encore une publicité mensongère. "Vous disposez d'une cave? Arrondissez vos fins de mois en cultivant des champignons de Paris!" Pourquoi pas des endives ou des tomates?! Escrocs!

 

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       Du coup, cet après-midi je suis allé au jardin du Luxembourg pour faire quelques tours de manège. Rien de tel pour me détendre. Et je profite souvent du mardi, jour où les gamins se font rares, où j'ai par conséquent plus de chance de pouvoir choisir mon cheval, mon avion, ou mon hélicoptère, et, éventuellement, de décrocher le pompon.

     (En revanche, lorsque le jardin est fermé ou qu'il fait trop mauvais,  je fais du manège chez moi. Ce qui m'oblige à me faire tout petit pour réussir à enfiler ces costumes de crétins.)

 

      Je me demande si cette journée est bien crédible. Ce serait ennuyeux qu'elle ne le soit pas. Car je tiens vraiment à la bonne tenue de ce journal. Sinon, à quoi bon?


 


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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 18:00

Suite...

 

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         A compter mes dalles, je m’amuse comme un petit fou. J’en suis arrivé au chiffre inouï de 173. Mais, chemin faisant, je me demande soudain si mon compte est bon. Car tout l’art du pavage, je commence à en connaître un bout sur la question depuis le temps que je marche le nez au sol, consiste, comme il en va d’ailleurs pour la maçonnerie, à placer les dalles en quinconce. Or la largeur de mon trottoir ne permet que d’en loger deux, c’est à dire une dalle entière plus deux demies dalles, c’est à dire une dalle sciée en deux. Mais je m’aperçois aussi que parfois le paveur a réussi à placer deux dalles entières séparées par un tiers ou un quart de dalle. J’imagine qu’imperceptiblement le trottoir s’élargit à certains endroits et autorise cette variante qui vient compliquer mes calculs. Il me faut donc poser des règles fixes et définitives si je veux garder l’esprit tranquille : une dalle comptera donc pour une dalle, une demie dalle pour la moitié d’une dalle soit 0,5 dalle, en deçà elle compteront tout simplement pour rien. Voilà qui me parait juste.

         Soudain je sens comme une présence. Certes il y a bien quelques passants dans cette rue mais les passants ne créent en général aucune présence, déjà bien beau s’ils parviennent à jouer correctement leur rôle de passants. Non, là, pas de doute, quelqu’un me suit. Angoisse, petit frisson côté nord au milieu de l’ombre où je me trouve. A moi, notre armée, mes va-nus-pieds. Nous avons beau nous parler au pluriel, puis à la troisième personne, un petit coup à la deuxième, rien ne vient ni n’accourt, pas la moindre compagnie ni le plus petit bataillon. Bande de lâches. Elle est belle la France. Pourtant non, ce quelqu’un qui me suit c’est en fait moi qui le suis car à l’évidence il me précède, là-bas sur le trottoir d’en face, côté soleil et pognon, et ce depuis un certain temps déjà. La phrase n’est pas heureuse mais le trouble est si profond. Résumons-nous, non, je suis seul, entièrement déserté, donc je me résume au singulier : j’ai l’air de suivre cet homme qui me précède en pleine lumière, tandis que je le suis côté de l’ombre froncée. La situation est gênante, car ce quelqu’un pourrait croire que je trouve un quelconque intérêt à le filer de la sorte. Il pourrait croire notamment à des choses. Cela m’est déjà arrivé. On déambule ainsi benoîtement dans une rue le nez au vent, avant de se rendre compte que l’on suit quelqu’un depuis un bon moment, que le hasard a fait que l’on a pris le même bus, que l’on est descendu à la même station, que l’on entre dans le même magasin où l’on s’arrête au même rayon, et que ce quelqu’un, surtout si c’est une femme, va vous demander sèchement de cesser de le ou la suivre sous peine d’ameuter la foule. Dans une rue donc, s’arranger pour ne suivre personne ni être suivi, s’arranger pour être seul et parfaitement isolé, le tout à distance respectueuse.

         Pourtant, difficile de ne pas suivre cet homme car je sais que là où il va, je vais aussi - voilà que je parle comme Jésus maintenant, qui n’est pourtant pas un de mes auteurs préférés -, et il m’est donc matériellement impossible de ne pas le suivre. Pas Jésus, l’autre. Jésus, j’ai tenté à plusieurs reprises de le suivre sans autre résultat que de me couvrir de ridicule. Quant à mon inconnu, j’ignore ce qui peut me faire penser que nous allons au même endroit. Une force invisible peut-être. C’est assez pratique finalement toutes ces forces invisibles qui peuvent expliquer à peu près tout et n’importe quoi. Ciel, mes dalles. C’est que j’ai mes dalles à compter moi. Pas question de perdre le fil, ce serait un coup à ne pas fermer l’oeil de la nuit.

         En accélérant le pas, je pourrais le doubler. Mais alors, si comme je l’imagine, lui aussi va là où je me rends, pour le coup c’est lui qui me suivra. Ça risque de m’angoisser cette présence dans mon dos avec mon armée en déroute. Tout compte fait, je préfère qu’il me précède. D’autant que je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où je me rends, je fais un tour c’est tout. Lui aussi peut-être après tout, car on imagine mal le nombre d’isolés qui s’amusent à faire des tours dans le simple but de se dégourdir.

         Où en suis-je de mes dalles? Oui, 198. Que de dalles tout de même.

         Je pourrais m’en faire un ami. Cela me prendra sûrement quelques semaines voire plus, bien plus, moi qui durant toutes ces années n’ai pas réussi à m’en faire un seul. Disons que sur un coup de chance, il devienne mon ami dans un délai raisonnable. Je lui demande alors comme un service d’aller ouvrir ma porte. L’idée est tentante. L’homme est peut-être serviable et, qui plus est, habile de ses mains au point de savoir tourner une clef dans une serrure. Un bricoleur, ça ce serait bien ma veine.

         Ciel! le voilà qui s’arrête. Il reste immobile là-bas, de l’autre côté de la chaussée, comme s’il hésitait. Je suis repéré. Il va se retourner pour me gueuler sèchement du haut de son trottoir de cesser de le suivre. Que faire de mon côté sur mon trottoir à moi? Le mort peut-être. Non, trop tôt. J’avise la vitrine d’un artisan plombier, les seuls à oser l’ombre. Je vais l’admirer cette vitrine dégueulasse, la lécher un bon coup d’un air le plus naturel possible. Tous ces robinets entassés là, c’est joli. Il s’agit d’anciens robinets, artistiquement disposés autour d’un antique chauffe-eau en cuivre rutilant, une sorte de collection. Les prix doivent être faramineux, on n’a pas idée. Je n’ai jamais pensé à collectionner les robinets et soudain je le regrette. C’est vrai que c’est beau un vieux robinet couché sur le flanc. Je fais mine de m’y intéresser. Tant que j’y suis, je vais les compter les robinets, m’en faire un problème : genre deux robinets qui fuient partent ensemble de la même gare, à quel moment vont-ils se croiser et arriveront-ils à l’heure? Finalement, c’est assez triste tous ces accessoires de bidets, on dirait un cimetière tout à coup cette vitrine. On devrait enterrer les robinets comme tout le reste. J’en suis là de mon chagrin - car je peux avoir du chagrin pour à peu près n’importe quoi, comme par exemple pour ces vieux robinets entassés en devanture - lorsque j’aperçois soudain dans le reflet de la vitrine mon homme, celui que bien malgré moi je suis, faire brusquement demi tour. Cela devrait me soulager et pourtant il n’en est rien : à l’idée de le perdre, je ressens même comme un léger vague à l’âme. Pourquoi lui et pas un autre? Attention à mes dalles. Parce que c’est moi, parce que c’est lui, la réponse me vint comme venue d’en haut. Peut-être du Jésus encore. Je dis bien n’importe quoi depuis que cet homme m’a désorienté. Essayons de nous rassembler, sonnons le rappel. Y a bien un de ces crétins de militaire qui va se rallier à mon beau panache blanc.

         Avant tout ne pas perdre le décompte de mes dalles. Deux cent douze, facile à retenir : 1+1=2, plus un 1, plus un 2 = 212. C’est mnémotechnique.

 

 


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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 17:43

Lire, bon sang! lire!

 

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Editions Fata Morgana 2005 avec une Note de Jean Follain


      Aujourd'hui encore, je m'étonne qu'avec tous ces manuels que je conserve soigneusement à portée de main, je sois toujours infichu de lire plus d'une page ou deux par jour. Certes, depuis quelques années déjà, je ne ressens plus le besoin de m'aider du doigt et mes lunettes sont en principe à ma vue.Un mystère, un de plus...

 

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      En revanche, je ne garde aucun souvenir de ce "Boucles d'or et Pomme d'api" tellement tarte que j'ai dû le boycotter à l'époque. Caprice fâcheux car  à l'évidence tout s'est joué là, lors de cette année du "Cours élémentaire Ire année".

 

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     La postface de Jean Follain à ce "Roti-Cochon", dont on ne connaît qu'un exemplaire, est comme toujours savoureuse. Je retiens cette anecdote croquignolesque :

"... Ce Q crotté nous met loin du procédé qui, si l'on en croit le Journal de Julien Green, serait encore employé par certaines religieuses enseignantes du Canada qui obligent leurs élèves, en récitant l'alphabet, à omettre la lettre Q pour la remplacer par l'appellation "la vilaine lettre". Cet usage, qui subsistait, d'ailleurs, en France il y a quelques décades, paraît s'y être aujourd'hui perdu."

(Ces lignes datent un peu puisque, comme chacun sait Jean Follain est mort en 1971. Précision utile, pardon, pour celles ou ceux qui prendraient les religieuses canadiennes pour des arriérées!)

 


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