Devant la télé. (2007)
Certains de ses rangements portent plus à conséquence que d’autres. Ses médicaments par exemple qui finissent par s’entasser au fil des mois sur la commode, tandis que d’autres, d’un usage heureusement plus rare, attendent dans le placard de la salle de bains une maladie heureusement plus rare.
Après les avoir soigneusement triés par maladies, il s’aperçoit qu’il lui reste de quoi en guérir au moins deux ou trois. N’aimant pas gaspiller, il se décide alors pour l’une ou l’autre de ces maladies. Et il tombe vraiment malade. Juste assez pour finir les boites. Mais pas plus.
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Encore un de ses achats inconsidérés dont il se mord les doigts : il a échangé son vieux poste de télévision contre une sorte d’écran pourvu de multiples haut-parleurs censés répandre le son dans toute la pièce. Et ils le font si bien de répandre le son qu’il n’arrive plus à regarder un film tranquillement. Vingt fois il doit se lever pour aller voir qui sonne à sa porte à une heure si tardive, pour décrocher son téléphone, vérifier que le robinet de la cuisine est bien fermé, courir à la salle de bains où quelqu’un prend une douche, ou frémit lorsqu’une jeune femme lui susurre des mots tendres à l’oreille, sursaute lorsqu’un hélicoptère le survole d’un peu trop près ou qu’une voiture freine brutalement juste dans son dos.
Finalement, il n’y a que les films muets qui le laissent en paix. C’est ça le progrès, ironise-t-il. Car il éprouve une profonde aversion pour les films muets.
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“Je ne suis pas assez intelligent pour parler des choses simples.” Cette phrase le sidère. Il en reste comme un œuf qui aurait pondu sa poule. Il cherche un sens, ne le trouve pas, pas même à peu près. Mais il lui semble que cette phrase tombée d’il ne sait où en possède un, c’est certain. Il se jure de continuer d’accueillir avec confiance ces traits de génie qui pourraient faire de lui un auteur à part entière.