Mireille Spademan. Le cri jaune. 2005
Ce sera sans voix. Je vais bientôt me faire à cette idée, je m’y suis fait, je suis sans voix. (Ici - déjà - ajouter « désormais » ? La question pourrait se poser, et puisqu’elle pourrait, elle le peut et donc je me la pose.)
Ce sera sans voix désormais.
Ce sera désormais sans voix.
Désormais ce sera sans voix.
Belle marquise.
Et voilà les emmerdements qui commencent, ça ne traîne jamais trop longtemps dans ces affaires d’écriture. Sans surprise les emmerdements. Dès la première phrase. Je les attendais, ils ne se sont pas fait attendre.
Désormais donc.
Ce sera sans voix. Je vais bientôt me faire à cette idée, je m’y suis fait, je suis sans voix.
Désormais ?
Elle m’a échappé l’autre jour tandis que j’étais en train de me gueuler dessus. Je me fustigeais, habitude plaisante prise au fil des ans - plaisante parce qu’elle m’occupait pratiquement à plein temps -, à propos de je ne sais plus quoi. Probablement à propos de moi - qui d’autre ? Je me suis toujours tancé avec une extrême sévérité mais cela n’a jamais changé grand chose : le même comportement idiot, les mêmes erreurs, les mêmes bêtises. Elève sans avenir. C’est le bâton et la carotte qu’il m’aurait fallu, ou un miracle, oui c’est cela plutôt un miracle. Je suis injuste : ces remontrances me remettaient dans le droit chemin au moins jusqu’au premier écart qui intervenait environ une heure ou deux plus tard.
Une heure dans le droit chemin, c’est tout de même un résultat. Je me demande qui pourrait se vanter d’une telle prouesse autour de moi.
Autour de moi, il n’y a personne.
A se demander si je les avais bien entendues ces remontrances, ces mises en garde plutôt, soyons franc allons, si j’en avais bien saisi le sens. Défaut d’articulation, langue de traviole. Ou alors la répétition des mêmes et sempiternels griefs. J’ai manqué de pédagogie à mon égard, j’ai été maladroit, brutal. La douceur eut-elle été préférable ? Non, j’en doute. Comme la récompense (la carotte) : si tu travailles bien, tu auras droit à ton petit verre de Campari cacahuètes sur les coups de sept heures, dix-neuf heures pour être plus précis. Total : bouteille vidée et les devoirs pas faits. (La fameuse page du jour à laquelle je m’astreignais jadis mais pour quel résultat).
Sans voix désormais.
Je vais bientôt me faire à cette idée.
Bientôt.
Sous peu?