Mahu bafouille est le titre de la deuxième partie de Mahu ou le matériau.
La sonnette
Si par exemple les gens qui sonnent tu vas leur ouvrir la porte et ils te font des révélations? Ils ont très envie. Ils font semblant de se tromper, ils te demandent : "Cest bien ici chez Machin?" Si tu leur dis oui? Ils savent que tu te trompes, ils entrent, il commencent à te dire : "Nous autres chrétiens" ou "Nous autres voyageurs". Tu te méfies, tu sais que lorsqu'ils disent nous autres c'est qu'ils n'en font pas partie. C'est des gens qui cherchent à embêter. Ils font semblant d'être avec ceux qu'ils disent, avec nous autres, mais ce n'est pas vrai. Ils veulent te tirer les vers du nez, ils veulent que tu t'emborouilles et au lieu de t'aider ils te font des révélations. Pas sur nous autres, justement. Sur eux.
Pourquoi font-ils semblant d'être nous autres? Pourquoi?
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Robert Pinget Mahu ou le matériau Editions de Minuit 1952.
En réalité, lorsqu'en 1968 Mahu reparle (voir ci-dessous) sa voix est assez différente de celle qu'il avait en 1952. Elle est bien plus proche de celles des narrateurs du Fiston, de Clope au dossier, L'inquisitoire, et de Quelqu'un.
(Tout ça pour un malheureux "r"!)
J'avais préparé de très belles pages, somptueuses même, je vous prie de me croire, pour saluer cet événement. Puis, ce travail d'orfèvre achevé, suite à un incident qui aurait pu bien mal se terminer, dans un bain de sang par exemple - "Pinget? Connais pas!" pour faire court -, me voilà tout soudain redescendu sur terre, ramené à cette triste réalité - pléonasme : le peu de lecteurs que compte Pinget aujourd'hui, la quasi indifférence qu'il suscite chez cette jeunesse dévoyée et indigne qui lui préfère ces auteurs à la mode dont on se demande un peu.
Trêve! Je vais donc à l'essentiel : Oui, Mahu reparle est un texte inédit de Robert Pinget. Un vrai de vrai. Et plus merveilleux encore, une œuvre à part entière, digne de figurer en bonne place dans la bibliographie du grand maître.
Pour preuve (petite pique aux Éditions de Minuit, je prends des risques insensés), il est paru aux Éditions des Cendres, une grande Maison dont on ne chantera jamais assez les louanges.