Le téléphone
Son téléphone sonne en moyenne une fois par jour, c’est une moyenne, mais c’est toujours une erreur. Mais il décroche toujours. Car il aime se croire utile aux autres en rendant ce petit service qui consiste à annoncer à son interlocuteur qu’il est dans l'erreur. Il se sent alors quelqu’un, non pas d'important mais simplement apprécié par un inconnu qui gardera de lui le charmant souvenir d’une voix aimable, polie, humaine en un sens.
Un jour de grisaille, “on” est même allé jusqu’à lui souhaiter un joyeux anniversaire. Cela l’a ému au plus profond, même si la personne, la voix fraîche et enjouée d’une jeune fille, probablement une étudiante, s’était trompée de prénom et de date. L’intention restait délicate.
Parfois, quoique très rarement, un ami tente de le joindre au téléphone. C’est justement le jour où, trop agacé par tant d’erreurs, il décide de ne pas décrocher. Mais il arrive que l’ami en question insiste et alors commence la torture. Tempête sous un crâne. Il pèse le pour et le contre. Et si c’était un ami? Et si oui, lequel? (Il en possède deux au dernier recensement.) Et si cet ami, à supposer que c’en soit un, n’était pas en train de faire une erreur comme cela arrive si fréquemment à tout le monde? Par exemple, en croyant avoir composé le numéro de l’autre ami? Quand il se décide, trop tard : l’ami a raccroché.