Le bourreau des cœurs
Jusque vers la fin des années cinquante (du siècle dernier, bientôt il faudra préciser), avant que les visites médicales ne deviennent obligatoires, les parents des futurs fiancés avaient recours à celui que l’on appelait le « bourreau des cœurs », puisqu'il avait en quelque sorte droit de vie ou de mort sur les futurs fiancés - ou le « palpeur » selon les régions. Son rôle consistait à vérifier si la promise était de constitution robuste, en bonne santé au moins, c’est à dire capable de remplir correctement son rôle de future épouse : bonne reproductrice, tenir son foyer, bonne au lit, bonne tout court, dure à la tache, sachant encaisser les coups de son alcoolique de mari, capable de travailler aux champs comme à l’usine. Toutes qualités qui permettent d’affirmer sans grand risque qu’un mariage est envisageable.
Ceci, officiellement. Car officieusement, il s’agissait aussi de déterminer si la jeune fille n’était pas excessivement sensuelle ou chatouilleuse, susceptible d’être volage donc, si elle n’avait pas le feu au cul pour être plus clair, ou au contraire si elle n’était pas de glace. Dans ce cas, c’était le fiancé mais plus fréquemment les parents qui donnaient la pièce au « palpeur » afin qu’il vérifie la chose discrètement.
De nos jours où l’on se marie à peu près n’importe comment, ce métier pourrait bien connaître un nouvel essor, voire ce qu’on appelle un « boum » spectaculaire. (Moi qui vous parle, je suis hélas en âge de témoigner des dégâts causés par ces mariages d’amour (sic!) contractés dans le pire des laisser-aller il y a vingt ou trente ans.)
Certes, il s’agit d’un vrai métier qui exige une formation solide (médecine générale, médecine du travail, vagues notions de gynécologie) et une réelle maturité (la femme, ses vilains tours, ses ruses, etc.) En terme de création d’emplois, on mesure le bénéfice : création de centres de formations, formation de formateurs, formateurs de formateurs, stages de mise à niveau, symposiums, colloques…
Et bien sûr, ne perdons jamais de vue l’intérêt général : de futurs couples unis fondant de joyeuses familles aux enfants nombreux, sains, équilibrés.
(Le pincement. Test d'endurance à la douleur.)
(Fermeté des cuisses...)
(fermeté du... des...)
(Malheur à celle qui aurait semblé prendre goût à ce geste déplacé...)
(Traditionnellement, à l'issue de sa palpation, l'homme de l'art montrait à la future belle-famille la propreté de ses mains, preuve que celle-ci n'avait pas affaire à une souillon.)
Je me demande parfois pourquoi mon téléphone ne sonne pas plus souvent. Qu'un secrétaire d'Etat, un ministre, ou même notre Président, ne prennent pas cette peine commence à m'inquiéter. Il est sans doute trop tôt pour sentir les effets de mes propositions. Je poursuivrai cependant, j'ai trop besoin d'honneurs, d'une belle décoration, mais surtout d'un poste de... sénateur à vie par exemple? pour lâcher si facilement.
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