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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 18:06

ou Petite théologie de l'Inachevé



Brebel 1039

(Il y a une vingtaine d'années de cela, je présentais ma thèse de Doctorat en Théologie. Le succès ne fut pas au rendez-vous, c'est le moins qu'on puisse dire. J'avais oublié ce texte dont je vous livre les premières pages - sur les six ou sept cents qu'il comporte.)


 

         Ce livre s’écrit sans mémoire et dans l’oubli du reste. Mais ce reste oublié n’est pas rien qui constitue la totalité du mystère. Du mystère seulement car il n’est point de secret, si bien gardé soit-il. Le secret n’étant, nous l’allons démontrer ici, qu’un mystère qui s’ignore et réciproquement. En effet, tel Narcisse, le mystère, toujours soucieux de son ombre, sans laquelle il n’est rien, ne cesse de se mirer dans le noir reflet du secret d’où il croit tenir son existence et sa qualité. De même le secret. Secret et mystère, deux miroirs sans tain qui se font face et s’observent dans leurs nuits respectives, chacun rivalisant sur l’obscur. Ainsi, du haut de leur Rien, tentent-ils tous deux de s’élever au rang de leur vide respectif et donc du divin.

         Autrement dit, secret et mystère ne tiennent leur existence que de la connaissance que nous en avons. Un jour, le détenteur du secret a dit : Il y a un secret, je le sais. De la même façon, il y a mystère. Tous deux relevant donc d’une révélation.

         Dieu, infiniment limpide, ne peut donc relever d’une telle supercherie. S’Il relève du secret et du mystère, il doit le dire, et mieux encore dire en quoi Il doit se tenir dans cet Intenable. Dieu ne peut donc que se révéler, librement, gratuitement. Et pour se faire, il semblerait qu’il ait fait confiance à l’homme et qu’il persiste à le faire. Faire confiance à l’homme, voilà qui pourrait bien apparaître comme une belle naïveté de sa part. Se confiant à l’homme, se fiant à lui, Dieu se fie tout aussi sûrement au désastre. Non pas comme un voile ou une ombre dont Il aurait besoin pour se cacher. Invisible, Dieu ne se cache pas. Muet, Dieu ne parle pas. Manchot, Dieu n’écrit pas. Ici, déjà, quelque chose ne va pas. Se révélant dans le désastre, Dieu se fait Lui-même désastre, le créant pour ainsi dire, car Dieu ne subit rien, car rien n’est sans Lui ni hors de Lui. Ainsi, le désastre tel que nous l’éprouvons est d’essence divine. Dieu est proprement désastreux.

         Ici, tout en écrivant, l’auteur vient brusquement de perdre la foi. L’auteur est navré. L’auteur est confus. L’auteur pense que ça lui a pris, cette perte de foi, lors d’un bâillement ou au milieu d’un courant d’air. Peut-être après avoir allumé une cigarette.

         L’auteur va se ressaisir, éteindre sa cigarette, dire ses prières. Puis l’auteur reprendra depuis le début. Le voici d’ailleurs qui se reprend, magnifique, somptueux même dans sa superbe, superbe dans sa reprise: 

         Ce livre, donc, s’écrit sans mémoire et dans l’oubli du reste, comme ceci est vrai. Mais ce reste oublié, ce reste sans mémoire, n’est pas rien, loin de là, qui constitue la totalité du mystère. J’ai bien dit mystère. Car il n’est point de secrets. Ni secrets ni mystères.

         L’auteur est peut-être éprouvé. Dieu l’éprouve peut-être. Malgré son inexistence, par-delà son néant. Voilà qui serait bien curieux : Dieu, tout intelligent qu’il est, n’éprouverait pas un incroyant (mécréant), cela ne lui servirait à rien, un coup d’épée dans l’eau tout au plus. Réflexion en aparté : si ce n’est Dieu, qui n’existe d’ailleurs pas, peut-être est-ce alors le Désastre en personne qui chercherait à éprouver l’auteur. Désastre déifié, avec son d majuscule, ici l’auteur sent se pointer à grands pas une nouvelle idole.

         Non seulement l’auteur a perdu la foi, c’est maintenant un fait avéré, mais il est devenu par la même occasion athée voire agnostique (à vérifier dans le dictionnaire).

         Non seulement l’auteur a brusquement perdu la foi, devenant tout aussi soudainement, pratiquement dans la seconde, athée et agnostique, mais il ne lui a même pas été accordé de faire un léger détour par l’hérésie. Ce qui lui aurait pourtant permis d’achever plus ou moins heureusement ce livre. Autre détour possible : la mystique. Tout bien pesé, la mystique aurait été le détour idéal.

         Causer spiritualité. Le spirituel, ça n’engage à rien en principe. A voir.

         L’auteur, très chagriné, décide de tout reprendre à zéro. Un chapitre raté, ça n’est pas bien grave. C’est le manque d’élan, et non la foi, se dit-il, qui est ici en cause.

 


Chapitre I bis


 

 

         Ce livre s’écrit sans mémoire et dans l’oubli du reste. Ce reste oublié, ce reste d’oubli, sans souvenir ni rappel d’aucune sorte. Pas mal ça.

         Voilà.

         L’auteur pense que ce serait sans doute le moment de faire quelques petits arrangements avec sa conscience, la religieuse si possible. Laquelle pourrait lui souffler si elle le voulait bien qu’il n’est sûrement pas indispensable de croire en Dieu pour en parler à son aise.

         L’auteur pense aussi, il en a le loisir ces derniers temps, que l’absolu c’est bien mais que le relatif c’est pas mal non plus. Plus confortable le relatif. Dieu ferait peut-être bien, s’il tient à ce qu’on parle un peu de lui, mais il n’y tient peut-être pas plus que ça, d’être plus souple, plus relatif en somme. Ne plus se raidir ainsi dans son absolu. Ça lui fait du tort. A preuve.

         Après en avoir délibéré ensemble, l’auteur pense qu’il est urgent de dédramatiser l’affaire et de bannir les excès (Dieu existe ou n’existe pas). Non, Dieu peut avoir une existence relative. Qui dépendrait des jours. Ne pas faire de l’existence de Dieu un absolu, une permanence. Se faire Normand au besoin : peut-être existe-t-il, peut-être que non. Dans ces conditions, beaucoup moins dramatiques, le travail, pensa l’auteur, peut reprendre. Ouf!

 


Chapitre I ter


 

 

         Ce livre s’écrit :

         primo : sans mémoire.

         secondo : dans l’oubli du reste.

         Ceci posé, poursuivons. Lions la gerbe. Nous avons vu que ce livre, celui-là même que vous tenez dans vos mains, que vous avez peut-être acheté, quelle erreur, ce livre donc s’écrit sans mémoire et dans l’oubli du reste. Nous avons également vu que ce reste oublié n’est pas rien. Eh non! Oh que non les amis!


 

 

 

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commentaires

L
<br /> Je vais me recacher,<br /> comptes jusque 100.<br /> <br /> <br />
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<br /> 300 !!!!<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Ce blog devient l'Agora de l'Internet, trop mioum!<br /> <br /> <br />
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D
<br /> A ce point? Ben j'espère bien que non! Assez de boulot comme ça!! :)<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Depluloin au Vatican !!<br /> (Lorsque vous lirez ce commentaire, j'aurai par votre faute échoué à l'épreuve du silence du concours de moine trappiste.)<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Mais puisqu'ils vous disent qu'ils ne veulent plus de vous!! La dernière fois, vous avez fait péter leur alambic et ils ont dû acheter leur Cartreuse en Chine!<br /> <br /> (Que d'honneur vous me faites! Du coup, Saint-Songe est entré au Carmel - au Carme?)<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Qu'est-ce que vous êtes bavard quand vous abstractionnez !<br /> <br /> <br />
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D
<br /> C'est que j'adore m'écouter parler! Ma voix est beeeeeeeeelle!! Je m'en lasse pas!!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Comment tu sais que j'ai du repassage ?<br /> T'as une caméra ou quoi ?<br /> t'es caché où ?<br /> ... Et là, qu'est ce que je fais ? <br /> <br /> <br />
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D
<br /> Ben la montagne de linge là fans le fauteuil! Et pi ta chemise? t'as vu ta chemise?<br /> <br /> <br /> <br />