Ma nouvelle maison
(N'y voyez pas malice de ma part : il se trouve que je n'ai pas trouvé mieux que cette école, voilà tout!)
Ma nouvelle maison est très bien, rien à dire.
Elle doit être équipée d’un toit puisque, quand il pleut dehors, je suis moins mouillé dedans que dehors. Et quand il ne pleut pas, c’est pareil dedans que dehors.
Elle est pleine de fous, c’est une maison de fous, mais ça m’est égal : je fais comme si de rien : je m’occupe de mon côté à l’abri des regards grâce à mon parapluie que j’ouvre ou replie selon les circonstances. C’est un parapluie très chic que je tiens de mon père puisqu’il s’agit d’un parapluie d’homme et que mon papa était un homme. Il lui manque cependant un petit quelque chose à ce parapluie, un toit par exemple car je suis mouillé dessous quand il pleut.
Malgré tout, je préfère me tenir dehors sous la pluie, à l’abri de mon parapluie et des regards, que dedans. Dehors, qu’il pleuve à verse ou pas, il y a toujours autant de monde, à croire que tous ces beaux esprits ne savent pas distinguer la pluie du beau temps - moins cependant qu’à l’intérieur où prédomine toujours cette impression qu’il y a toujours trop de monde, sans doute à cause de ces murs qu’on ne peut pas pousser ou si peu que la marge est tout à fait négligeable.
De ce côté-là où je m’occupe, donc. Par exemple, j’arrose mon arbre deux fois pas jour mais je ne lui parle pas parce que je ne trouve rien à lui dire. Les autres se moquent de moi, disent qu’on n’arrose pas les arbres, surtout ceux qui sont morts. Je les laisse dire. Mon arbre, je ne l’ai pas choisi au hasard, je sais qu’il va revivre. Au printemps par exemple, je suis à peu près certain qu’il va redonner quelques petites feuilles, ce sera le début de sa résurrection. Nous sommes au début de l’hiver je crois bien, j’en ai donc encore pour quelques petits mois à le choyer.
Il y a beaucoup d’autres arbres morts autour de lui, c’en est même sinistre parfois. (Il y a bien quelques sapins au loin, toute une rangée, vivants eux : leurs branches sont vertes mais pas d’un beau. Les jours de grisailles, fréquents par ici, elles deviennent lourdes et noires. Et alors la rangée semble dressée comme un rempart absolu où veille une armée fantôme de tuniques obscures.)
Mon arbre une fois sauvé, je ne sais pas à quoi je m’occuperai. J’évite de me poser la question bien qu’elle revienne sans cesse à mesure que l’air se fait plus doux. Je pense peut-être lui arracher ses feuilles, une à une, comme je faisais avant avec les ailes des mouches. Je verrai alors à partir de quel moment il ne peut plus agiter ses branches, qu’il ne peut plus que sautiller sur place sans jamais plus pouvoir s’envoler.
Sources et iconographie :