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21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 18:19

L'homme qui danse sur le fil

 

 

NOVEMBRE 0347

(Photo D.C.)

 

   Monsieur Le Comte n’a pas besoin de moi pour faire parler de lui. Et c’est heureux puisque je ne suis pas ce que l’on appelle un critique, ni professionnel ni amateur : dans les deux cas il faut être instruit et avoir beaucoup et bien lu.

   Passons rapidement sur l’instruction, pour parler de mes lectures ou ma façon de lire. Si, c’est intéressant ! Critiquant, les critiques parlent souvent d’eux-mêmes. Certains sautent sur un livre comme sur une proie, l’étreigne avec un amour pas si désintéressé (Blanchot), l’étouffe parfois (Sartre). Je suis donc un lecteur moyen, besogneux, puisque, sauf à me tomber des mains dans les cinq minutes, lire un livre me demande du temps vu que je ressens comme un devoir sacré de ne pas le lâcher avant de l’avoir épuisé, même s’il conviendrait plutôt de dire : avant qu’il m’ait épuisé. Il en est ainsi des bons livres : ils me font de l’usage car bien sûr je parle ici d’une première lecture, laquelle n’est pas si différente des suivantes puisque je sais que, quoique je tente, le texte m’échappera toujours, passant souvent très loin au-dessus de ma tête. Mais c’est à cela que l’on reconnaît un grand livre, il est inépuisable.

  Voilà près d’un siècle maintenant que certains écrivains ont commencé de régler son compte au roman, plus ou moins honnêtement : certains sans se poser tant de questions (Beckett) d’autres, comme s’ils n’étaient pas si sûrs de leur coup, en le claironnant sur tous les toits, quitte à faire de leur œuvre même un manifeste. D’autres encore, par des astuces brillantes, savantes, dont ils livrent parfois le mode d’emploi. Ça ne marche pas. Pour ma part en tout cas, non. 

   Et voici que Philippe Annocque déboule sans prévenir, innocent comme au premier jour (avec le masque de l’innocence plutôt, sachant bien qu’aucun écrivain ne peut y prétendre à l’innocence), et nous livre son Monsieur Le Comte au pied de la lettre. Avec pour sous-titre : Calembredaine héroïque. Il est assez naturel je crois de procéder comme je l’ai fait, d’aller vérifier le sens exact de ce mot « calembredaine » au cas où. « Propos extravagant et vain ; plaisanterie cocasse. (Baliverne, sornette, sottise) » dit le Petit Robert. N’en jetez plus, Robert ! Ce n’est pas insulter l’intelligence de Philippe Annocque que de supposer qu’il n’est pas allé vérifier lui-même avant de se décider.

   Ce sous-titre, fort discret par ailleurs, en dit assez long. Il est un avertissement certes mais aussi un symptôme assez évident de l’angoisse de l’auteur face à son défi coupable (et d’une audace sans précédent). Car le héros ici, héros héroïque, c’est bien lui, Philippe Annocque. Car, rarement à ma connaissance, un écrivain s’est aventuré aussi loin, aussi clairement, sans artifices aucuns, dans l’écrasement des possibles narratifs. Le tout avec une virtuosité qui a été saluée par l’ensemble de la critique. Et de fait, le lecteur tremble avec lui, se surprend à regarder en bas vérifier que l’artiste voltige bien au-dessus d’un filet.

   Un autre thème abordé tout aussi clairement, sans détours, est celui de la défiguration. L’effacement du visage, la disparition des traits, la peinture moderne s’est pour ainsi dire fondée dessus, de Picasso à Bacon. La littérature a suivi bien sûr. Avec Monsieur le Comte au pied de la lettre, c’est l’auteur lui-même, et non plus seulement ses personnages, qui est menacé « dans le texte » par la défiguration. 

   Le résultat est sidérant. Et il est bien dommage que Monsieur le Comte n'ait pas parmi toutes ses visages une tête de gondole. Ça viendra.


 img204

(Quidam Editeur)

 

  

 Pour la petite histoire : plus de dix jours que j’essaie de parler de ce livre, essayant de faire court et simple. Court, c’est raté. Simple aussi. Donc, comme on dit, au lecteur de se faire sa propre opinion. Finir sur un lieu commun, certes, mais à prendre au pied de la lettre.

 

 

 

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commentaires

L
<br /> <br /> Là, cette fois  c'était Vronski...<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Hummmmm... je demande à voir.... C'est vous qui le dites? Alors ça va, je vous crois!;)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> Je suis sincèrement désolé pour mon commentaire sur le fil. Je crois que je devais être fatigué ou alors c'est peut-être ma citronade qui a fermenté... Je vais partir quelques temps me reposer.<br /> Vraiment désolé Pha mais je ne parlais que de la photo prise par Depluloin. Parfois, sur une photo, certaines expressions ou un détail particulier renvoient à une autre personne<br /> même si on n'y ressemble vraiment pas dans la réalité. De toutes façons, c'était déplacé. Pardon. Tiens, je m'enfonce...je coule...glouglouglou Professeur Vronski touché, coulé !! <br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Vronski, voyons! (Et puis il y a tellement d'usurpateurs/trices que je ne m'y retrouve plus moi-même!)<br /> <br /> <br /> Philippe Annocque ne se vexe pas pour si peu! Le file du rasoir, c'est vous? c'est ça? En ce cas, c'est de ma faute : j'ai dû "shooter" l'écrivain un matin très tôt au téléobjectif au<br /> bord de sa piscine, ce n'est pas bien! ... <br /> <br /> <br /> (Un gin fizz fermenté? Ça doit être quelque chose! ... Allez, revenez! Aucun reproche ne vous sera fait!)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> <br /> C'est vrai. Il est où Vronski?<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Vous essayez de me rendre dingo, L'entrée des sauvages? D'autres ont essayé qui y sont parvenus sans mal...  mert! ça va pas!!;)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> Flûte, on a sucré mon image ; j'en remets une autre illico :<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Mais non!!! Ha! ha! Ne manque plus que l'apparition du vrai Vronski!!!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Mais j'y songe...<br /> <br /> <br /> Ne sommes-nous pas tous, chacun à notre manière, cet homme en équilibre sur un fil?<br /> <br /> <br /> Depluloin...<br /> <br /> <br /> C'est dur, je sais mais...<br /> <br /> <br /> Vous avez commis un poncif.<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Certes mais parfois c'est aussi une femme! ... Et j'aime tant la voir se casser... Non, non!! (Ça c'est pour le poncif!! - ou "pongif"?:)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />