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Le secret avait été bien gardé, j’y avais veillé. Ainsi, au jour dit, celui du marché, j’apparus juché sur mon deux cheval deux places dans l’indifférence générale. Quelque peu dépité, je fis plusieurs fois le tour des étales sans attirer un seul regard, même borgne, ni éveiller la moindre curiosité.
Un doute alors me traversa l’esprit : le deux cheval deux places était une invention locale déjà très ancienne - si ça se trouvait -, figurant d’ailleurs sur les parois des grottes et cavernes environnantes, nuit des temps et compagnie, la région en élevait des troupeaux entiers, première productrice mondiale - si ça trouvait (encore) -, ou la deuxième, j’avais découvert l’eau tiédasse/froidasse une fois de plus. Bordel.
(Car vraiment j’y avais travaillé sur ce prototype : des mois de recherches, de nuits blanches dans les odeurs d'éther et de formole, de rejets de greffe, de boucheries sans nom, avant d’arriver à cette merveille.)
Pourtant, alors que ces dames s’en retournaient déjà préparer la traditionnelle caguasse à la moelle du dimanche, le boucher sortit de son échoppe pour s’avancer. Voilà enfin un homme averti, me dis-je, ce qui en fait déjà deux plaisantai-je intérieurement, et sans doute très au fait de l'art équestre et des transports en commun.
L’homme fit plusieurs fois le tour de ma monture, l'air intéressé. Puis - avec un hochement de tête, ainsi qu'il est toujours précisé dans les romans:
- Dommage, c’est pas une vache.
* Un grand merci à Alain Rivière qui m'a très aimablement prêté son "Deux Cheval" (2009). Image numérique (qui est aussi le logo de Deux Cheval Production). Editions klet & klo.