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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 17:52

 

J’ai soixante ans passés. Je n’ai pas d’œuvre. Malgré tout je suis satisfait car peu auront eu ce rêve, ni l’auront vécu encore moins.

Depluloin

 


goethe

 

 

17 mai. 

J’ai fait des connaissances de tout genre, mais je n’ai pas encore trouvé de société. Je ne sais ce que je puis avoir d’attrayant  aux yeux des hommes ; ils me recherchent, ils s’attachent à moi, et j’éprouve toujours de la peine quand notre chemin nous fait aller ensemble, ne fût-ce que pour quelques instants. Si tu me demandes comment sont les gens de ce pays-ci, je te répondrai : Comme partout. L’espèce humaine est singulièrement uniforme. La plupart travaillent une grande partie du temps pour vivre, et le peu qu’il leur en reste de libre leur est tellement à charge, qu’ils cherchent tous les moyens possibles de s’en débarrasser. Ô destinée de l’homme !

Après tout, ce sont de bonnes gens. Quand je m’oublie quelquefois à jouir avec eux des plaisirs qui restent encore aux hommes, comme de s’amuser à causer avec cordialité autour d’une table bien servie, d’arranger une partie de promenade en voiture, ou un petit bal sans apprêts, tout cela produit sur moi le meilleur effet. Mais il ne faut pas qu’il me souvienne alors qu’il y a en moi d’autres facultés qui rouillent faute d’être employées, et que je dois cacher avec soin. Cette idée serre le cœur. – Et cependant n’être pas compris, c’est le sort de certains hommes.

22 mai.

{...}

Que chez les enfants tout soit irréflexion, c’est ce que tous les pédagogues ne cessent de répéter ; mais que les hommes faits soient de grands enfants qui se traînent  en chancelant sur ce globe, sans savoir non plus d’où ils viennent et où ils vont ; qu’ils n’aient point de but plus certain dans leurs actions, qu’on les gouverne de même avec du biscuit, des gâteaux et des verges, c’est ce que personne ne voudra croire ; et, à mon avis, il n’est point de vérité plus palpable.

Je t’accorde bien volontiers (car je sais ce que tu vas me dire) que ceux-là sont les plus heureux qui, comme les enfants, vivent au jour la journée, promènent leur poupée, l’habillent, la déshabillent, tournent avec respect devant le tiroir où la maman renferme ses dragées, et, quand elle leur en donne, les dévorent avec avidité, et se mettent à crier : Encore !...

 

GŒTHE . WERTHER.

 Traduction de Pierre Leroux. Avec une préface de George Sand. Paris, Victor Lecou et J. Hetzel et Cie., (s.d.)

 

 

«Prononcer le nom de Gœthe c’est évoquer le type du poète opposé aux démoniaques qui sera présent dans ce livre comme un symbole. Car non seulement en tant que naturaliste, en tant que géologue, mais aussi en art il a mis l’évolutif au-dessus de l’éruptif, il a combattu tout soubresaut, tout volcanisme avec une énergie dont il n’était pas prodigue. Et c’est là qu’il nous montre le mieux que pour lui aussi la lutte avec le démon a été le problème vital de son art. Car seul celui qui a rencontré le démon dans sa vie, qui a frémi devant son regard de méduse, qui s’est rendu compte du danger qu’il représentait, celui-là seul peut le craindre à ce point. Quelque part dans les fourrés de sa jeunesse Gœthe a dû se trouver face à face avec le monstre et c’est par sa création – Werther le prouve – qu’il a échappé au destin de Kleist et du Tasse, de Hölderlin et de Nietzsche ! {...} Il sait ce qui arrive quand on s’abandonne au démon, c’est pourquoi il se défend, c’est la raison pour laquelle il avertit vainement les autres : Gœthe emploie autant de force héroïque à se conserver que les démoniaques à se gaspiller. Pour lui aussi l’enjeu du combat est la liberté suprême : il lutte pour sa mesure contre la démesure, pour sa perfection et ceux-là pour l’infini.

Ce n’est que sous cet angle-là et non sous celui d’une rivalité (réelle, cependant, dans le vie) que j’ai opposé Gœthe aux trois poètes du démon : j’ai cru utile de recourir à une grande voix contraire pour que l’hymnique, le titanesque, la démesure que je vénère en la décrivant chez Kleist, Hölderlin et Nietzsche n’apparût pas comme l’art unique ou le plus sublime. »

 

Stefan Zweig.

Introduction au Combat avec le démon. Kleist, Hölderlin, Nietzsche.

 

 

 

 

 



 

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commentaires

C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com),No-25. -THÉORÈME NIETZSCHE. - Pourquoi ne rêves-tu pas ?<br />
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C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com),No-25. -THÉORÈME NIETZSCHE. - Pourquoi ne rêves-tu pas ?<br />
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B
<br /> j'aimerais savoir pourquoi on s'en prend toujours au ping-pong. c'est inadmissible.<br />
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<br /> <br /> Oui. C'est scandaleux. Alors que le jokari est encensé. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Courage Depluloin, courage.<br /> <br /> <br /> (trad.: seien sie mutig, herr depluplu!)<br />
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<br /> <br /> Gnädige Aléna, danke sehr ! <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> ja, ich auch.<br />
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<br /> <br /> You tou, Aléna? <br /> <br /> <br /> (Allons, allons... J'en perds mon latin moi.)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />