Ce n'est pas pour me vanter, mais tout de même si un peu, j'aurais fait je crois un excellent et fort bon homme rustique. Il aurait suffi de m'expliquer aussi clairement la marche à suivre que l'a fait en son temps cette bonne Madame Millet-Robinet pour les dames dans l'un de ses ouvrages les plus fameux, la "Maison Rustique des Dames". (Si célèbre et répandu qu'il aurait inspiré Francis Jammes lui-même et aussi, dans une certaine mesure, Pascale Petit pour son "Manuel du jardinier platonique")
"Clairement", c'est vite dit. Ce seau et ce pichet par exemple, quel est leur usage précis? Rien ne l'indique vraiment. Mais il y a plus grave : l'armoire. A première vue, elle semble parfaitement rangée. Ce qui saute aux yeux cependant, c'est que les vêtements de ma femme rustique ont disparu. Quant à mes économies habilement dissimulées dans l'un des cartons à chapeau, je demande à voir. Mais le pire, le plus douloureux si l'hypothèse d'un départ précipité voire d'un cocuage avéré se confirme, ce sont ses cadeaux de Noël qu'elle a ostensiblement négligés! Il y en a là pour quatre ou cinq Noël d'avance environ, ça n'est pas rien. Des graines de grande qualité, sélectionnées par les meilleurs grainetiers du canton. De quoi l'occuper sainement au potager pendant quelques années au moins, années durant lesquelles je l'aurais regardée s'user et vieillir avec amour. A se demander si elle se rend compte vraiment de ce qu'elle a raté.
Peu importe, j'ai une solution de rechange, une vie dont j'ai toujours rêvé : celle d'érudit local.
En réalité, ces considérations sur l'art de la vie rustique étaient destinées à vous annoncer la parution prochaine de mon dernier opuscule:
"Comment devenir Érudit local"
(Perspectives et avenir)
Hélas, quelques problèmes matériels et existentiels m'obligent à en différer la publication.