Non, je n’irai pas la chercher ma photo agrandie en carte postale. Ni demain (après 16 heures) ni un autre jour. Primo, 3 francs c’est cher. Ensuite, ce ticket me paraît bien vieux, je l’ai retrouvé dans un livre que je n’avais pas ouvert depuis… fort longtemps. Je ne sais pas, je ne me souviens de rien, ni du livre, ni du temps passé, et je n’ai pas la moindre idée de qui doit se trouver sur cette photo. Moi-même j’imagine mais en compagnie de qui ? Une femme, une jeune fille plus probablement puisque j’ai très tôt cessé d’immortaliser mes conquêtes. Pauvres conquêtes, pauvres territoires, pauvre conquérant surtout.
Donc, non, je n’irai pas. Je n’y tiens plus à la voir ma bête jeunesse en peinture, ni celle des autres surtout. Une fois, une seule, j’ai cherché à retrouver mon premier amour. Grossière erreur. Je me souviens avoir eu bien du mal à essayer de deviner sous les traits de cette mère de famille peu aimable, aboyant après ses quatre enfants, ceux de la jeune fille en robe légère d’autrefois, celle qui à elle seule sauvait mes étés solitaires. Fichue, bouffie, foutue, c’est tout ce que j’ai pensé d’elle. Et même si c’est mon tour maintenant de l’être, fichu, bouffi, foutu, peu importe. M’en fiche moi, de moi.
Bon, je vais y courir chercher cette photo. Reste à trouver ces trois francs.