A cette époque, Gisèle était un peu folle et je ne valais guère mieux. Toutes deux devions nous marier au printemps suivant, prétexte tout trouvé à ces week-ends sur la Côte d’Azur. En réalité, et pour être franche, je dirais plutôt que c’était à peine une excuse à notre jeunesse toute neuve : entre le pensionnat et la chambre conjugale, il ne nous restait que bien peu de temps pour tenter de respirer un autre air.
Le rite était immuable : il débutait sur le quai de la gare de Lyon où nous nous précipitions pour admirer la bête, pouffant la main devant la bouche comme des collégiennes devant l’étalon.
- Crois-tu qu’il est bien attaché ce monstre ?
Plus tard au wagon-restaurant, nous nous dépêchions de finir de dîner pour rejoindre nos cabines respectives.
- Bonne nuit, ma chérie.
- Bonne nuit, Gisèle.
La suite est confuse et assez difficile à rapporter. Au milieu du fracas de nos souffles, nous nous efforcions de distinguer le halètement huilé des pistons qui défonçaient la nuit et ses deux passagères.
- Depluloin ? ... comment dire... c'est tarte. Absolument tarte.
- Ah bon ?
- Oui.
- Vous auriez pu dire : c'est au poil.
- Euh... et pourquoi donc ?
- Parce que c'est tarte au poil.
- Sortez. Sortez dé-fi-ni-ti-ve-ment.